A propos de l' "existence des corps individuels"

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Une intervenante du groupe "Philosophie contre Superstition" sur MSN et sur Yahoo, où figure la correspondance adressée aux soi-disant "élites" du monde politique, médiatique, intellectuel et "droit-de-l'hommiste", ainsi que divers textes précisant ce qu'il faut entendre par "vraie" philosophie, a écrit, à juste titre, en parlant de Spinoza :

"Pour Spinoza la Substance infinie, c'est Dieu. Il est la seule Réalité. Tout le reste en découle. Les idées de création (divine), de Bien et de Mal, de libre arbitre... sont donc des erreurs de notre Entendement insuffisamment purifié. Comment alors expliquer l'Existence des corps individuels ???" (fin de citation)

Je rappelle tout d'abord, une fois de plus, que ce que Spinoza nomme "Dieu" ou Substance n'a rien à voir avec le Dieu "créateur" superstitieux des religions monothéistes et de la scolastique idéaliste des Descartes, Pascal, Kant, et autres "saints" qualifiés de philosophes par des "philosopheurs". Au Dieu-Créateur, avec son libre arbitre, revient la contradiction et l'incohérence, sans oublier les pratiques obscurantistes qu'il est censé ordonner, tandis que le "Dieu-Substance" est d'une cohérence sans faille avec son idée éternelle de "nécessité" absolue.

Pour répondre ensuite à la question posée, "Comment alors expliquer l'Existence des corps individuels???", je renvoie, encore une fois, au texte publié ici, "Entendement pratique…Philosophie…Superstition", qui commence par l'analyse des facultés - genres de connaissance ou manières de connaître - de notre entendement global humain. Dans la première partie du texte, sont nettement distingués l' « entendement pratique » et le "penser spirituel" dont, toutefois, je ne m’occupe pas ici.

Dans l’analyse de Brunner sur le penser humain considéré dans sa globalité, qui complète celle de Spinoza exposée brièvement dans Éthique II, proposition XL, Scolie II, l' « entendement pratique » regroupe l'expérience des sens ou penser en images représentatives ("imaginatio" spinoziste), source des concepts génériques (homme, cheval, etc.), et le penser des abstractions (langage, causalité, mathématiques, et autres constructions auxiliaires, telle la théorie atomique, par exemple), que Spinoza nomme "ratio".

Ce penser pratique nous sert uniquement à vivre et à nous orienter dans notre monde des choses, mais non à "philosopher". Il ne parvient, en effet, qu'à établir des vérités "relatives" sur notre monde, par ailleurs "relatif" avec ses choses en constant changement : seul ce qui est "immuable" est à la fois "absolu" et "parfait" ; d'où la "croyance au miracle" des altermondialistes, notamment, et de tous les marchands de rêve ou autres vendeurs de "vent"! Toutes les "pseudo-vérités" de notre monde sont des vérités valables pour notre seul entendement pratique humain, donc des vérités relatives, y compris toutes les hypothèses et théories scientifiques ; et ce, jusqu'à la fin des temps !

En effet, la réalité de notre monde humain, ce que nous en saisissons avec notre entendement pratique, est seulement "relative" à ce penser pratique humain. Notre monde humain, ce qui est le monde pour nous humains, n'existe que pour "notre" entendement pratique spécifique, et en dehors de celui-ci, il n'a aucune existence, aucune réalité véritable ; notamment, "au regard" des infinis autres entendements infinis, ou attributs spinozistes, dont chacun a son propre monde, qui est sa façon spécifique de saisir la Substance.

"Chacun" de ces entendements infinis a son propre monde, seulement "relatif" à chacun des entendements particuliers. De même que "notre" monde est la manière dont notre entendement humain saisit la "substance", est la façon dont elle se révèle à nous humains, les infinis autres entendements infinis ont "chacun" leur monde spécifique, ont leur manière propre de saisir la Substance. Ces infinis autres mondes infinis coexistent avec le nôtre, en s'ignorant, car nous ne saurons jamais rien de ces infinis autres mondes : que saurons-nous du penser de la mouche, par exemple, de son monde et de son "temps" spécifique ? Rien de plus, demain comme aujourd'hui, que notre sempiternel regard "anthropomorphe" condescendant, qui n'a même pas conscience de ces infinis mondes infinis, ce qui est bien pratique pour s'arroger la première place ; et d'autant plus, lorsque l'on est à la fois juge et partie ! (cf. précisions dans le texte mentionné ci-dessus)

Ainsi, le monde humain est-il seulement "notre" monde, mais pas "LE" monde, au sens d'un monde unique et identique pour l'infinité des entendements infinis - ou infinité des attributs, au sens spinoziste du terme. Notre entendement pratique est donc un penser du "relatif", de notre relativité humaine, à savoir de ce qui est "pensé" par nous humains dans et sur (à propos de) notre monde humain.

Autrement dit, notre monde des choses et "sa" matière n'ont pas de "réalité absolue", pas de matérialité, de substantialité absolue : ils n'ont d'existence que "relativement" à notre entendement spécifique humain. La matière, censée constituer nos choses, n'est pas absolue, ce qui suffit à invalider, d'emblée, le "matérialisme", puisqu'il est dépourvu de son fondement : le matérialisme est "sans matière" !

Pour résumer : notre monde "matériel", "chosique", n'est en réalité que le pensé de notre penser "relatif" ou entendement pratique, tel que précisé ci-dessus ; et ce, conformément à ce qu'exprime Spinoza dans la proposition VII de Éthique II : "L'ordre et la connexion des idées sont identiques à l'ordre et à la connexion des choses" ; forcément, puisque "nos" choses, les choses pour nous humains, sont en réalité seulement du "pensé" : les lois de ce monde sont les lois de notre penser pratique.

En effet :

"Les choses, dépourvues de matière absolue, ne sont que nos "sensations" combinées à nos "représentations", lesquelles sont prises à tort pour les causes de nos sensations : y a-t-il dans cette définition de Brunner un quelconque semblant de "matérialité", au sens commun de ce terme ?

Evidemment, il ne doit venir à l'idée de personne de croire que nous "rêvons" notre monde ! Notre monde n'est pas un songe, une illusion de nos sens, pas plus que notre vie. Comme le dit Brunner : "Nous sommes des matérialistes de l'entendement pratique ET des idéalistes de l'Esprit". Il entend par-là que, pour notre "entendement pratique", les choses existent bien; elles sont réelles pour lui, sans avoir pour autant une réalité "absolue" ; au point, d'ailleurs, que la science elle-même réduit les choses à du mouvement : mais mouvement de "quoi", qu'est-ce qui se meut ?

Le mouvement se trouve sans "porteur", sans substrat véritable, puisque nos atomes et autres particules élémentaires, aussi longtemps qu'ils seront divisés dans le futur, ne livreront jamais la particule élémentaire "simple", indivisible, qui serait si "pratique" pour tout expliquer : donnez au premier "ballot" venu la particule vraiment élémentaire, et il vous explique le monde, à la manière d'un jeu de construction !

Brunner est d'autant plus matérialiste, au sens précisé, qu'il se considère même comme un "archi-matérialiste", puisque l'espace et le temps sont pour lui les choses : l'espace est pour lui le "côte-à-côte des choses", les choses dans leur juxtaposition (il n'y a pas d'espace vide contenant les choses, à la manière d'un sac), et le temps, ce sont les choses dans leur changement de juxtaposition (il n'y a pas de temps absolu, indépendant des choses). Ainsi la durée de rotation de la Terre sur son axe, et celle de sa rotation autour du Soleil (changements de juxtaposition de choses) sont-elles pour nous le temps d'un jour et d'une année ; le temps est la mesure de la durée.

Publié dans PHILOSOPHIE

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