Couleur correcte exigée

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Le 23 février 2006

Madame Elise Lucet
France 3
Emission "Pièces à conviction"
Fax n° : 01 56 22 85 02

Madame,

Je ne peux laisser passer sans réagir très vivement votre présentation superstitieuse, donc mensongère, de l'émission "Couleur correcte exigée" qui doit être diffusée le 24 février sur France 3, dans le cadre de "Pièces à conviction".

En effet, votre accusation de "racisme rampant qui n'ose pas dire son nom", lancée à la cantonade, et la condamnation moralisatrice résultante sous-entendue ne sont que l'expression de la pensée dominante "politiquement correcte" du jour, qui colporte les mensonges et les "croyances au miracle" de la Superstition sous toutes ses formes, notamment dans la superstition idéologico-moraliste contemporaine.

Outre que cela ne témoigne pas d'une grande profondeur de réflexion, comme le précisera par la suite ma lettre du 7 décembre 2005 à Jacques Chirac, reproduite ci-dessous, c'est une preuve de malhonnêteté intellectuelle de "faire croire", publiquement de surcroît, que les uns seraient les "vertueux", les antiracistes, les bons, et les autres, les "salauds", les racistes, les méchants, seulement au vu de la couleur de leur peau, mais également en vertu de multiples autres critères de distinction entre individus; et ceci, toujours indistinctement, anonymement, collectivement : à qui profite le crime, le soi-disant Mal absolu d'aujourd'hui ?

Loin de moi l'idée de nier la réalité de pratiques discriminatoires dans la société française d'aujourd'hui, comme hier et demain, de même qu'il en existe, et continuera à en exister, dans la société humaine universelle pourtant peuplée d'individus de toutes les couleurs: preuve, s'il en est, que les discriminations, racisme et antisémitisme notamment, ne sont pas l'apanage d'individus d'une seule couleur de peau, contrairement à ce que vos propos tendancieux donnent à penser. C'est une immense malhonnêteté intellectuelle de résumer la discrimination raciale à cette seule proposition: "racisme stricto sensu = Blancs" : il y a des conflits "interethniques" dans nombre de pays africains, pratiquement dépourvus de Blancs. L'exemple de ce Youssouf Fofana suffit à illustrer qu'avoir la peau noire n'empêche pas d'être antisémite, de même qu'être arabe ou musulman n'en dispense pas davantage. A contrario, être juif n'interdit pas d'être anti-arabe ou anti-musulman, si l'on prend la peine d'observer l'actualité du Proche-Orient sans a priori. Relier systématiquement racisme et antiracisme à la couleur de la peau est un mensonge avéré et une tromperie de l'opinion, dont les urnes ont montré, un certain 21 avril 2002, qu'elle n'était pas tout à fait dupe !

L'antiracisme n'est pas l'apanage des victimes de la discrimination sous toutes ses formes, couleur de peau notamment, au point que Serge Klarsfeld a pu déclarer en son temps - certes mensongèrement, après le Congrès de Durban : "L'antisémitisme est aujourd'hui entre les mains des antiracistes" (LCI, Le monde des idées, 6 octobre 2002). Le mensonge dénoncé ici résultait de l'amalgame entre antisionisme et antisémitisme, volontairement entretenu par le terrorisme intellectuel de l'époque, relayé par les "faiseurs d'opinion" du monde de l'information, de la politique, de l'intelligentsia et des associations droits-de-l'hommiste moralisatrices à sens unique et adeptes du "deux poids, deux mesures", figurant dans le texte "La lâcheté des élites", du seul fait de colporter les mensonges et les "croyances au miracle" du monde, sans avoir le courage intellectuel de prendre part au seul et unique "véritable" débat d'idées, tel que présenté sommairement dans le document évoqué.

Le poids du "terrorisme intellectuel" est tel aujourd'hui que la prétendue victime d'une pseudo-agression antisémite est en mesure de fait monter également au créneau le chef de l'Etat, avec la même vigueur qu'aujourd'hui, et qu'il peut répandre tout autant cet autre amalgame mensonger de la même veine entre islamophobie et racisme. Pourtant, même le juif Constantin Brunner (1862-1937), philosophe allemand, héritier spirituel de Spinoza et du Christ - dans sa Parole non pervertie par la superstition religieuse ! -, non seulement ne faisait pas sien cet amalgame, mais il dénonçait également sans ambiguïté la confusion entre la critique portant sur des idées (antisionisme), et celle portant sur des personnes (en l'occurrence, l'antisémitisme) ; comme il dénoncerait sûrement avec la même vigueur aujourd'hui l'amalgame entre islamophobie et racisme stricto sensu contre des personnes, en raison de l'appartenance ethnique !

En conclusion, j'affirme que la liste des multiples pratiques discriminatoires dans le monde, dont le racisme stricto sensu n'est qu'une forme spécifique, est infinie, non exhaustive, et que l'avenir se bornera à l'allonger, pas à la réduire : sauf à vous de faire connaître vos objections éventuelles, et surtout vos propositions concrètes pour y remédier, en relevant notamment le défi lancé ci-dessous à tous les penseurs, "politiques" et autres, du monde entier.

Je souligne que Jacques Chirac figure dans le texte, La lâcheté des élites, en raison de la fin de non recevoir officielle, émanant d'un chef adjoint de Cabinet, confirmant sans conteste que nul n'accepterait en conséquence de participer au "véritable" débat d'idées proposé, ce qui est très pratique pour parler sans rire, au cours d'un discours de campagne présidentielle, de rendre possible l'impossible : une preuve supplémentaire, si besoin est, des mensonges et des "croyances au miracle"de la superstition idéologico-moraliste..!

Dans la très improbable éventualité de vous voir accepter le débat proposé davantage que les soi-disant "élites" dénoncées ci-après, je vous remercie néanmoins de votre attention et vous prie d'agréer, Madame, mes salutations distinguées.

Annexe : I - Lettre du 7 décembre 2005 à Jacques Chirac  (déjà publiée sur ce blog)
                 II - La lâcheté des élites

Publié dans COURRIER "Médias"

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