Le Monde : "J'ACCUSE !" [Partie V]

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Cinquième partie

 
Le fil conducteur de la superstition idéologique et moraliste est la fiction de notre prétendu « libre arbitre », opposable sur le plan philosophique à la « nécessité » spinoziste, par quoi il faut entendre le devenir inéluctable du monde résultant de l’enchaînement causal infini de l’infinité des causes et des effets. En vertu de ce déterminisme, tous les évènements du monde, qu’ils soient naturels, historiques ou individuels, se produisent toujours « nécessairement », comme les lois scientifiques suffisent à l’attester dans le monde des phénomènes de la nature. Toutefois, il n’en va pas différemment pour les évènements historiques, collectifs, ainsi que pour ceux de notre propre vie qui ne dépendent pas davantage d’un quelconque prétendu libre arbitre – sauf à vos intellectuels et/ou philosophes de démontrer le contraire !


C’est pourtant sur cet illusoire « libre arbitre », exprimé par l’adage populaire « vouloir, c’est pouvoir », que se fondent toutes les promesses électorales des uns et des autres, faisant ou laissant croire que la réalisation de leurs engagements dépendrait de leur bon-vouloir, d’une pseudo-volonté libre, totalement détachée de la causalité infinie. Or, pour témoigner du contraire, j’emprunte le propos suivant à Mikhaïl Gorbatchev, pas vraiment un philosophe reconnu, mais responsable politique expérimenté, déclarant : « Rien ne peut être fait hors du cadre d’une nécessité supérieure » ; une nécessité supérieure qui n’est rien d’autre que la « nécessité » spinoziste.

 
En effet, contrairement à ce que les responsables politiques de tous bords laissent entendre, ici et là sur la planète, la marche du monde ne dépend pas de notre prétendu « libre arbitre », cette croyance superstitieuse héritée de la religion et de l’idéalisme. En réalité, il n’est que l’illusion qu’il suffirait de vouloir pour pouvoir, comme l’a déclaré Jack Lang sur un plateau télévisé : « Quand un gouvernement veut, il peut » ! Comme quoi, on peut être un responsable politique de haut rang et avoir une vision superstitieuse des choses ! ! !


Du fait de leur « croyance au miracle » qu’il serait en leur pouvoir de réaliser ce qu’ils ont décidé, les responsables politiques s’autorisent toutes les promesses et toutes les surenchères, dont le monde entier attend encore la concrétisation en matière de liberté, d’égalité et de fraternité, notamment. J’affirme toutefois, sans aucun risque d’être démenti par les millénaires à venir, que les êtres humains les attendront jusqu’à la fin des temps, comme Camus lui-même l’a déclaré sans ambiguïté ; alors, pourquoi continuer à leur « mentir » ? Pendant combien de siècles, combien de millénaires encore, va-t-on continuer à leur raconter les sornettes de la Superstition, non seulement idéologique et moraliste, mais également religieuse et métaphysique [Scientisme matérialiste et scolastique idéaliste] ?


Pas étonnant que les citoyens-électeurs bercés d’illusions se détournent de la politique, sauf en de rares occasions, puisqu’ils constatent constamment le décalage entre les mirifiques promesses des uns et des autres et leurs résultats. Toutefois, ils ne le comprennent pas dans sa réalité, et de ce fait, ils font des « politiques » des boucs émissaires, qu’ils accusent de mensonges et de fausses promesses !

 
Cependant, ce n’est pas pour autant que la campagne présidentielle 2007 sera avare de promesses et de surenchères en tous genres, puisque les électeurs n’ont pas conscience que la marche du monde ainsi que notre vie dépendent du déterminisme infini, et non du prétendu libre arbitre de tel ou tel candidat. C’est pourquoi, d’ores et déjà, je vous donne rendez-vous en 2012 pour vérifier la réalité de la promesse d’ « ordre juste », ou bien si tout est devenu réellement possible, entretemps ! ! !


Tout responsable politique intellectuellement honnête devrait méditer les propos suivants de Mikhaïl Gorbatchev, humble devant la nécessité, et surtout s’y conformer :

« Le futur ne peut être le fruit de rêves ; il naît de la réalité, des contradictions et des tendances de son développement.

L’expérience historique atteste qu’aucune révolution ne se déroule selon un plan conçu d’avance. Aucune révolution ne donne exactement les résultats escomptés ; la révolution n’était ni fortuite, ni une erreur.

Quand on est au pouvoir, on est toujours otage de la situation.

L’œuvre de Lénine, comme celle de Mao, montre que la pensée d’un homme peut façonner la vie de milliards d’autres hommes pendant plusieurs générations, et être en substance une aberration consternante. » [Mikhaïl Gorbatchev, source Le Point, n°901, semaine du 24 au 31 décembre 1989]

L’ex-leader soviétique donne là une leçon de « vérité », qui n’exprime rien d’autre que celle des grands diseurs de LA Vérité éternelle absolue, ces penseurs véritablement universels qui ne confondent pas absolu et relatif, et a fortiori n’ « absolutisent » pas les vérités relatives du monde.


L’impossibilité absolue pour notre entendement de connaître l’enchaînement causal infini de l’infinité des causes et des effets de tout phénomène laisse croire à un « possible réalisable ». Cependant, parler d’un « ordre juste possible », ou prétendre que « tout devient possible », relève seulement d’un discours mensonger qui trompe l’opinion !

 
Le possible n’est en effet qu’une illusion de notre prétendu libre arbitre, ignorant du déterminisme. A suivre cette idée de pseudo-volonté libre, chacun ferait donc commencer la causalité à partir de lui, et il deviendrait ainsi, en certaines circonstances - tel un petit dieu ! -, le premier maillon ou la cause première d’une chaîne causale initiée par lui. Dès lors, la causalité ne serait plus infinie par définition, puisqu’elle aurait un commencement absolu : chacun d’entre nous ! Hélas, personne ne maîtrise le déterminisme infini en quelque domaine que ce soit, liberté, égalité, mondialisation, croissance économique, emploi, etc., etc.


Bien plus, même ce que Spinoza nomme « Dieu » ou Substance agit aussi seulement en vertu de la « nécessité » de sa nature, et non en raison de son prétendu « libre arbitre », comme il en irait, paraît-il, pour le Dieu superstitieux des religions monothéistes ou de l’idéalisme kantien. Ainsi, ce Dieu libre aurait-il pu tout aussi bien ne pas créer notre monde, en vertu de son « libre choix » - par chance pour nous, ce Dieu s’ennuyait, tout seul dans son paradis !


J’en ai ainsi terminé avec ma dénonciation des mensonges et des « croyances au miracle » de la Superstition dans ses différents modes d’expression. En conséquence, je vous invite à me faire part de vos éventuelles objections sur des points de désaccord très précis, ainsi que de vos propositions concrètes pour relever le défi lancé ci-dessus à tous les penseurs, « politiques » et autres du monde entier.


Tout nouveau refus de débattre de votre part ne ferait que confirmer votre intention délibérée de continuer à colporter sciemment les mensonges et les « croyances au miracle » de la Superstition ainsi dénoncée.


Dans l’éventualité de votre participation au véritable débat d’idées proposé, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, mes salutations distinguées.

Annexe : Mensonges et lâcheté des élites

                                   FIN







Publié dans COURRIER "Médias"

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