Bernard-Henri Lévy : « TOUT et n'importe quoi »! [FIN]

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Le 19 mai 2008

 

Objet :

« Ayaan Hirsi Ali, islam, islamisme, islamophobie, "maoïsme" et boycott »

 

Monsieur Bernard-Henri Lévy

Le Point

74, avenue du Maine

75014 PARIS

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Courriel : support@lepoint.fr


FIN 

 

Monsieur,


Ma dernière partie concerne vos leçons de droits de l’Homme à la Chine en raison de son comportement actuel au Tibet, qui soulève l’opprobre de la communauté internationale arcboutée sur le catéchisme soi-disant universel contemporain. A propos de ce dernier, je vous renvoie au courrier adressé depuis le 30 mai 2000, dans lequel je l’ai suffisamment dénoncé, non seulement en raison de son inapplication réellement universelle, mais surtout dans sa prétention à exprimer l’Absolu, ou Idéal, tout en terminant dans l’incohérence et les contradictions, comme il en va  pour la liberté d’expression avec les articles 19 et 29, ainsi que je m’en suis déjà expliqué amplement. Le propos savoureux de Jean-Louis Bianco, ex-directeur de campagne de Ségolène Royal, déclarant «sans rire» sur RMC Info, « On a le droit de tout dire, mais il a des limites.», illustre, on ne peut mieux, la «débilité intellectuelle » de l'époque ! ! !

 

Si vous voulez avoir une chance d’être, un jour, un véritable philosophe, vous devrez finir par vous persuader que tout est relatif et rien n’est absolu dans notre monde. De surcroît, jusqu’à la fin des temps, il demeure à jamais « absolument impossible » d’introduire l’Absolu dans le relatif, de transposer l’Idéal dans le quotidien – sauf, une fois de plus, à vous ou à quiconque de démontrer le contraire ! ! !

 

Jusqu’à cette métamorphose philosophique, vous prospérez, et continuerez de prospérer, uniquement sur la Foi, c’est-à-dire sur les mensonges et les « croyances au miracle » de la superstition idéologique et moraliste en particulier, pour le plus grand profit de vos intérêts individuels et communautaristes, à l’exemple de tous les « menteurs » dénoncés dans le texte annexé – mais il ne tient qu’à vous de vous en démarquer, en démontrant la fausseté du postulat ci-dessus !

 

Aujourd’hui, la question tibétaine me suffit amplement pour établir la « relativité » des opinions humaines dans le temps et dans l’espace, car elle vous renvoie, personnellement, à votre « maoïsme » de jeunesse, sauf à vous d’indiquer ce que vous écriviez, alors, en faveur du Tibet  pour dénoncer l’oppression chinoise, y compris sous Mao Zédong !

 

Personne ne vous reproche de changer d’idée, seulement d’exploiter toutes les circonstances pour faire culpabiliser les Autres, de façon partisane : par exemple, critiquer les atteintes aux droits de l’Homme en Chine sans jamais évoquer celles commises à Gaza, au point même de défendre la construction d’un nouveau « mur de Berlin » séparant deux peuples, que l’on entend par ailleurs réconcilier ! Quels que soient les prétextes que vous invoquiez pour défendre vos points de vue sur le mur, question sécuritaire contre attaques unilatérales par exemple, il n’y a pas, à Gaza comme partout ailleurs sur la planète, ceux qui ont « absolument tort », d’un côté, et ceux qui auraient « absolument raison », de l’autre !

 

Forcément, à refuser sans cesse de prendre part au véritable débat d’idées, avec ses vérités intemporelles maintes fois précisées pour dénoncer la Superstition dans ses divers modes d’expression, il ne faut pas s’étonner ensuite de voir « boiter » la société humaine universelle, dans laquelle les vertueux reprochent aux Autres ce qu’eux-mêmes ont fait hier, et referont demain, à la première occasion où leurs intérêts de toutes sortes l’exigeront – le Proche-Orient n’échappe pas davantage à toutes les vérités intemporelles maintes fois rappelées en matière de moralisme et de condamnations moralisatrices des Autres. Pour changer de l'ordinaire, j'aimerais bien entendre, au moins une fois, tous les donneurs de leçons de morale faire repentance, toutes communautés ethniques sans exception - au vu de la marche de la planète, ici et là, je ne vois guère de groupes réellement IRRÉPROCHABLES, TOUS critères d'appartenance confondus! ! !

 

Pour établir la « relativité » de vos condamnations moralisatrices de la Chine, telles qu’elles s’expriment dans le bloc-notes du Point, je vous invite à consulter l’extrait suivant de ma lettre du 29 mars dernier à Robert Ménard, intitulée, Tibet : la grande hypocrisie planétaire :

 

« J’en viens plus précisément à l’hypocrisie généralisée sur le Tibet, et à la vôtre en particulier, telle qu’elle ressort de votre entretien avec Alain Marschall, le 26 courant.

 

L’hypocrisie sur le Tibet s’est manifestée par le silence de la communauté internationale, dès la naissance de la république populaire de Chine en 1949, faisant suite au départ des Anglais quittant l’Inde en 1947. Depuis longtemps pourtant, les communistes chinois avaient déclaré qu’ils considéraient le Tibet comme partie intégrante de la Chine, et les Tibétains comme l’une des cinq nationalités de la république, mais l’ONU n’a pas levé le petit doigt pour porter assistance au Tibet - tout comme elle se distingue aujourd’hui par son silence, méritant bien ainsi son célèbre qualificatif de « machin » ! ! !

 

Aussi l’armée chinoise put-elle tranquillement attaquer Chab-mdo, en 1950, puisque les troupes tibétaines ne pouvaient attendre ni secours ni appui diplomatique de l’Occident ou de l’Inde. Le dalaï-lama fut donc contraint de traiter avec la Chine, de sorte que le Tibet fut intégré dans la république populaire de Chine, suite à l’accord de Pékin du 23 mai 1951.

 

Dès lors, la Chine put assumer le contrôle de l’armée, des finances, de l’éducation et du développement  économique et industriel - une quasi-colonisation en quelque sorte, même si elle garantissait les droits du dalaï-lama, ainsi que le respect de la religion et des monastères. L’armée chinois entra à Lhassa, et dans un premier temps le compromis et la coopération fonctionnèrent assez bien jusqu’en 1954-1955, sans que l’ONU, censée représenter la communauté internationale, ne s’inquiète pourtant du sort des Tibétains : l’Histoire humaine est bel et bien un éternel recommencement de « plus jamais ça » ! ! !

 

Ensuite, face à l’idéologie marxiste qui voulait contrôler la jeunesse, les Tibétains organisèrent une résistance passive, et les premières actions de guérilla eurent lieu en 1956. Le gouvernement de Pékin réagit en appliquant des mesures de répression, et la plupart des membres de la noblesse et du clergé, ainsi qu’un bon nombre de marchands et de paysans, s’enfuirent en Inde. L’émigration facilita la tâche aux Chinois, et le gouvernement tibétain traditionnel fut aboli. La région autonome du Tibet, dans le cadre de la république populaire de Chine fut inaugurée officiellement le 9 septembre 1965 - sans aucune remarque de l’Organisation des nations unies, sauf mauvaise information de ma part !

 

Plus tard, la révolution culturelle, déclenchée en Chine à la fin de 1966, s’est traduite à Lhassa par une violente action anticléricale des gardes rouges, monastères envahis, images et textes sacrés détruits, moines employés à des activités productives – toujours dans le silence complice de l’ONU, sauf mauvaise information de ma part ! Il faut reconnaître, toutefois, que les autorités chinoises s’efforcèrent, parallèlement, de développer et de moderniser l’économie agricole de la région, et ce fut également la naissance de l’industrie, gisement de charbon mis en exploitation, édification de centrales hydro-électriques, création d’entreprises industrielles et désenclavement du Tibet par la construction de grands axes routiers entre le Sichuan et Lhassa (2413kms) et de Qinghai à Shigatse (2200kms).

 

Dans les années 80, l’échec de la politique chinoise au Tibet conduisit le Comité central du parti à publier de nouvelles directives pour mettre en œuvre une nouvelle politique au Tibet, fondée sur six mesures importantes destinées à donner un contenu réel à l’autonomie régionale et à soulager le Tibet de sa grande misère. Ainsi les fonds fournis par l’Etat en 1980 et 1981 représentaient-ils 98% du budget de la région. Après trente ans de statut quasi-colonial, le Tibet fut promu au rang de région sous-développée, et le tourisme ouvert à l’international en 1984, ce qui fit évoluer rapidement la situation, à la faveur des contacts entre Tibétains et visiteurs occidentaux. Ainsi, en 1987, le Congrès américain adopta un texte sur la violation des droits de l’homme au Tibet par la république populaire de Chine. Mais dès le 24 septembre suivants, l’exécution de deux Tibétains fit descendre les moines dans les rues de Lhassa pour réclamer l’indépendance du Tibet.

 

Dans l’époque récente, selon Amnesty International, plus de 214 tentatives de manifestation ont été réprimées depuis 1987, les manifestants arrêtés expédiés dans des camps de travail, et condamnés à des peines allant de 3 à 20 ans de prison. En 1989, alors que Hu Jintao était administrateur politique au Tibet, une manifestation finit dans un bain de sang, et au moins quatre cents personnes furent tuées.

 

Ce sommaire rappel historique conduit à examiner de plus près le comportement, durant la seconde moitié du XXe siècle, de tous ces bienpensants d’aujourd’hui, donneurs de leçons de morale à la Chine - sans balayer pour autant devant leur porte ! Je pense, ici, aux dirigeants et aux militants communistes de toutes ces républiques socialistes marxistes-léninistes, à commencer par ceux du PCF : le sort du Tibet et des Tibétains était, alors, le cadet de leurs soucis face aux grands dirigeants chinois, à commencer par Mao Tsé-Toung, malgré une brouille entre partis communistes frères, entre-temps – sauf à l’un ou l’autre de ces bienpensants de montrer sa préoccupation d’alors sur le sort des Tibétains.

 

C’est pourquoi je pense aussi à tous ces « maoïstes », d’ici et d’alors, à commencer par Bernard-Henri Lévy et tant d’autres. Qu’écrivaient-ils sur le Tibet et les Tibétains, dans les années 60-70, alors qu’ils étaient surtout obnubilés par la Révolution culturelle et le Petit livre rouge de Mao ?

 

Je n’oublie pas davantage tous les chefs d’Etat de pays non marxistes, qui se sont rendus à Pékin depuis l’ouverture de la Chine et ont reçu chez eux des dignitaires chinois, sans ignorer pour autant ce qui se passait au Tibet. Nos propres dirigeants ne se sont pas autrement comportés, et sauf erreur de ma part, je crois savoir, mais vous pouvez me démentir, que Hu Jintao aurait même dansé dans les salons du château de Bity, en Corrèze : c’est beaucoup d’honneur, non, pour un ancien administrateur du Tibet, au vu des massacres rappelés et des critiques d’aujourd’hui envers la Chine ?

 

Je crois également savoir que le barbarisme « bravitude » aurait été forgé sur les sommets de la Grande muraille de Chine par une candidate à la magistrature suprême, venue faire adouber son envergure internationale sur les lieux mêmes du crime anti-tibétain !

 

Alors, assez d’hypocrisie et de « deux poids, deux mesures » ! Ou alors que tous les Etats du monde cessent tout commerce avec la Chine pour être totalement en adéquation avec leurs postures moralisatrices ! ! ! Certes, si le commerce entre les Etats devait se limiter à ceux qui sont « irréprochables », il en serait encore à l’âge de pierre. Il y a aussi le Darfour et tant de pays musulmans et africains, où les droits de l’homme sont bafoués, et leurs dirigeants méritent donc le même opprobre international…

 

Je mentionne à peine la désignation des Jeux olympiques de Pékin, dont une proche actualité nous éclairera sur la suite donnée aux gesticulations d’aujourd’hui et sur ce qu’il en restera pour le Tibet après l’extinction de la flamme, au soir du dernier jour des Jeux ! ! ! C’est la même hypocrisie qui avait présidé à leur attribution à la Chine, puisque personne n’ignorait la situation au Tibet. Avant toute désignation, il aurait suffi d’exiger d’elle, au préalable, les mêmes efforts en ce sens que ceux demandés à la Turquie pour entrer dans l’Union européenne – certes, à ce compte-là, les Chinois auraient sûrement attendu encore longtemps !

 

En guise de réaction, en tout cas, ce n’est pas la mise en garde de George W. Bush, demandant à la Chine de faire preuve de retenue, qui va faire trembler l’empire céleste et l’inciter à accorder au Tibet tout ce que vous réclamez par des gestes forts et symboliques ! Nous ne tarderons d’ailleurs pas à être fixés sur nos propres comportements communautaires vis-à-vis des Jeux de Pékin, et nous saurons notamment si les dirigeants de l’Union européenne parviendront à se mettre d’accord sur une position commune, d’ici le 8 août prochain. Je suis prêt à parier gros que l’Europe avancera plutôt en ordre dispersé, tout comme il en va de la prétendue monnaie « commune » européenne – un « scandale économique », que l’hypocrisie des dirigeants européens préfère taire, en dépit de ses conséquences sur la marche de l’Union…

 

Je dois avoir oublié de citer nombre d’exemples de ces hypocrites du monde entier, seulement arcboutés sur leurs fictions moralisatrices, et qui continueront encore longtemps à commercer avec la Chine ! ! ! Ceci me permet d’évoquer pour terminer, non seulement les conséquences de votre « tartarinade », mais aussi de dénoncer votre propre hypocrisie par rapport à la question tibétaine. » [Fin de citation] 

 

Compte tenu de ce long développement ainsi que de toute la correspondance antérieure, synthèse du 11 février 2005 en particulier, et sauf à vous de démontrer le contraire, je maintiens que vos prises de position touchant à la religion, à l’idéologie et au moralisme, telles qu’elles résultent de vos multiples interventions publiques, sont une « insulte à la Raison ». Celle-ci, en effet, ne saurait se confondre avec le penser superstitieux qui fonde les « croyances au miracle » de la Superstition dans ses divers modes d’expression, mais vous n’en poursuivez pas moins son œuvre funeste - si je n’ai mentionné ni la métaphysique matérialiste du scientisme contemporain ni la scolastique idéaliste ou spiritualisme, c’est parce que vous n'avez encore jamais fait connaître clairement votre point de vue sur l’une et sur l’autre !

 

Dans l’attente de vos éventuelles objections, rationnellement et philosophiquement étayées, qui ne devront pas manquer de tenir compte de l’intégralité de mon argumentation antérieure,  je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distingué


Annexe : Mensonges et lâcheté des élites

 

 

 

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