LETTRE A JACQUES CHIRAC (suite 1)

Publié le par Sylvain Saint-Martory

SUITE 1


Le 7 décembre 2005

Monsieur Jacques Chirac
Palais de l'Elysée
55 rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

(A l'attention de Dominique de Villepin et des membres du gouvernement)

Monsieur,


Le mensonge fondamental de la superstition idéologique est d'accréditer l'idée "intellectuellement aberrante" de l'avènement possible d'un monde "parfait" avec des humains "imparfaits", c'est-à-dire tels que nous sommes réellement avec notre nature humaine égoïste, TOUS sans exception, et non tels que de prétendus "vertueux" s'imaginent être et veulent le faire croire aux autres – pire, s’en auto-persuadent !

Cette idée d'un monde parfait avec des humains imparfaits est, non seulement une véritable "aberration intellectuelle", un sacré défi à la Raison, sauf à fantasmer que, à force de progrès moral, l’être humain deviendra lui-même "parfait", autrement dit un individu "idéal" - bien entendu DEMAIN, car c'est toujours DEMAIN avec la superstition ! -, mais elle est surtout une "impossibilité absolue", philosophiquement parlant, comme cela peut être démontré, et même démontré more geometrico à la manière spinoziste.

Pour s'en persuader de manière concrète, il me suffit pour l'instant d'indiquer que la promesse de changer le monde, dans le sens sous-entendu par tous les marchands de rêve et autres vendeurs d'illusion, à savoir instaurer un monde "parfait", ne nécessiterait rien moins que d' « arrêter définitivement le mouvement universel du monde » : ils sont vraiment forts, ces "croyants au miracle" ! ! ! Certes, nombre de déclarations de responsables politiques accréditant l'idée que "vouloir, c'est pouvoir", pourquoi pas aussi être en mesure d'arrêter le mouvement universel du monde dans sa ronde inéluctable, dès que leur volonté en aura décidé..?!

PERSONNE ne me convaincra d'une quelconque éventualité de cette chimère d'un "autre monde", d’une société "parfaite" avec des humains "imparfaits", sauf à m’indiquer d’abord la manière de transformer l' « inéquation » incontestable, toujours d'actualité, "besoins illimités, moyens limités", en une égalité a minima : "besoins illimités, moyens illimités", sans laquelle tous les marchands de rêves et autres vendeurs d'illusions restent et resteront toujours dans leurs "croyances au miracle", et continueront à tromper l'opinion.

La marche actuelle du monde, ici comme ailleurs, permet d'en juger, puisque toute revendication commence d’abord par réclamer "davantage de moyens", et l'équation nouvelle suffirait assurément à résoudre un nombre infini des problèmes de la société universelle humaine, à commencer par celui de la faim et de la misère..! Et encore cela demeurerait-il insuffisant pour que notre monde devienne "parfait", car d'innombrables raisons s'y opposent..! La principale tient à notre nature humaine égoïste, à laquelle personne n'échappe - ni vous, ni "moi", ni tous les autres (hypocrites inclus) ; sinon, par quel miracle de la Nature en sa faveur..?!

Certes, il faut entendre le terme "égoïsme" dans son acception adéquate, c’est-à-dire débarrassée de la connotation moralisatrice habituelle de bien et de mal, selon laquelle les uns seraient - par nature ou par miracle ! - des "vertueux", des "altruistes", des antiracistes, les bons, et les autres : des "salauds", des "égoïstes", des racistes, les méchants ; les uns et les autres étant respectivement les représentants du Bien et du Mal absolus – soi-disant ! - sur Terre..!

Dans sa réalité, notre égoïsme humain universel, puisque présent en tous temps et en tous lieux, est seulement le désir premier, inné, de tout individu de vivre le plus longtemps et le mieux possible en se gratifiant, chacun à sa manière dans son milieu spatio-temporel d'existence. Ainsi, en raison de notre nature égoïste inchangeable, chacun est-il conduit constamment à rechercher ce qui lui semble être favorable à sa vie = son égoïsme, et à rejeter ce qui la contrarie : y compris, et surtout l’ « autre », dès lors qu'il fait obstacle à nos intérêts égoïstes dans notre quête permanente d’amour, de possession de biens et de personnes - d’où l’importance de l’argent -, et de gloire ou d'honneur-vanité ; aucun humain n'échappe à cette quête incessante ! Notre égoïsme inné est la seule raison d'être, l'explication fondamentale, de tous les comportements, individuels et collectifs, d'hier, d'aujourd'hui et de demain…

Même nos opinions, et notamment nos revirements d'opinion (cf. en matière de sécurité, aujourd'hui), nos jugements, nos engagements et nos luttes ne découlent que de notre seul égoïsme, uniquement de nos aspirations et de nos intérêts égoïstes, puisque TOUS résultent effectivement de la simple réponse par "oui" ou "non" à cette unique question, plus ou moins consciente selon les circonstances : "Ceci ou cela est-il favorable pour moi = ma vie = mon égoïsme ?", comme l’ont abondamment confirmé les porteurs de pancartes munies d'un simple NON, lors de la dernière campagne présidentielle, de la réforme des retraites, du déclenchement du conflit irakien, et en de multiples autres occasions tout aussi "égoïstes", relookées en prétendue défense de l' « intérêt général » - accessoirement, certes!

Contrairement à la "croyance au miracle" des idéologies progressistes en un soi-disant "progrès moral" de l’homme, l’être humain d’aujourd’hui reste moralement en tout point semblable à celui d’hier - et de demain ! -, à savoir : querelleur, cupide, porté par nature – et il ne s'en prive pas ! - à mentir, à dissimuler, à tricher, à frauder, à "magouiller", à calomnier, à médire, à trahir, à tromper, à se venger, à se renier, à la division, à l’intolérance, à la susceptibilité, à la mauvaise foi, à la partialité, à l’ingratitude, à la jalousie, à l’envie, à la rancune, à l'indiscipline, au non-respect du Droit, etc., avec toujours à l'arrière plan le seul souci de ses intérêts égoïstes, individuels et collectifs, même si cela met rarement fin à son insatisfaction chronique !

RIEN, hélas, n’est en mesure de changer la nature de l’homme, sauf en rêve..! Aucune idéologie, aucun moralisme, aucune pédagogie, aucune révolution, aucune Église, aucun devoir de mémoire (Shoah comprise), aucun homme providentiel, aucun Messie nouveau, aucun type d’organisation sociale (sinon, pourquoi attendre ?), aucune Culture même mondialisée, pas plus que l’addition de lois à des lois, de textes internationaux à des textes internationaux, la réforme de l’ONU, de l’OMC ou tout autre changement institutionnel, une Europe fédérale ou non, dotée ou non d'un Traité constitutionnel, ni une hypothétique gouvernance mondiale, ni la 6ème République des uns et des autres – quelle incidence, d’ailleurs, sur la marche du monde..?! -, ni la soi-disant capacité des femmes à "faire bouger les choses" – en leur faveur, certes ! -, pas plus la prévention que la répression, ni quoi que ce soit d’autre, ne feront de l'Homme, tel qu'il est, l'Homme tel qu'il devrait être pour faire du rêve d’aujourd’hui la réalité de demain. La Culture sous toutes ses formes est à jamais impuissante contre notre nature, sans un "miracle" de la Nature que même Camus ne semblait pas attendre, si j'en crois ses propos : "La souffrance et la révolte s'éteindront avec le dernier homme"..!

A se demander pourquoi l'être humain se complaît tellement à être, et surtout à vouloir demeurer, "naïf, cocu, et frustré"..?! Cela ne saurait témoigner d'une grande profondeur de réflexion, et pourtant ils sont encore des milliards à croire aux propos mensongers des charlatans qui exploitent une crédulité confinant au mieux à la naïveté, au pire à l’insuffisance intellectuelle..! Vous avez dit : "RAISON"..?!

Certes, c'est un droit très légitime, que je ne récuse à personne, de privilégier le rêve, la "croyance au miracle", au détriment de la réalité, en les justifiant par une vision positive du lendemain – DEMAIN, encore DEMAIN, toujours DEMAIN ! -, opposable à ce qui peut paraître de prime abord – mais seulement de prime abord ! - comme une résignation, un refus de la lutte.

Mes propos sur l'égoïsme, où j'ai montré que tout individu est porté par son égoïsme inné à rechercher ce qui est favorable à sa vie, et à rejeter ce qui la contrarie, suffisent à répondre à cette objection éventuelle ; la quête égoïste de tous implique en effet, selon les circonstances, de recourir tantôt à la fuite, tantôt à la lutte, en fonction des moyens intellectuels, matériels, etc. à la disposition de chacun.

Ceux auxquels s'adressent les marchands de rêve sont par ailleurs loin d'en être toujours reconnaissants, car, "plus ou moins d'égalité" ne les satisfera pas, aussi longtemps qu'ils constateront des inégalités, et ce n'est pas demain la veille de leur éradication. Aussi, à force de constater que les promesses ne sont pas tenues, même les rêveurs finissent par sortir de leur crédulité, et se réveillent dès lors que LA Vérité éternelle absolue rattrape les menteurs de toutes sortes…

Je mets au défi quiconque conteste mes propos, et notamment tous les penseurs, "politiques" et autres soutiens du monde entier, de m’indiquer concrètement comment éradiquer, de manière universelle et définitive : violence, conflits individuels et collectifs, rivalités de toutes sortes, privilèges, injustices, inégalités naturelles et autres, loi du plus fort, exploitation d’êtres humains, corruption et autres pratiques assimilées, favoritisme, népotisme, discrimination sous toutes ses formes [race, nationalité, sexe, orientation sexuelle, âge, statut social, situation de fortune, opinions religieuses, politiques et autres, handicap, maladie, apparence physique, vestimentaire, etc.], sans oublier la délinquance au quotidien et la misère mondiale, mais également à préciser comment parvenir à instaurer tout aussi universellement et définitivement  : paix, justice, liberté, égalité et fraternité, voire simple stricte application du Droit, que chacun - "vertueux" compris..! - bafoue allègrement dans tous les domaines, dès que ses intérêts le réclament.

L'impossibilité absolue de relever ce défi – j'attends sereinement toute tentative de démonstration contraire ! - permet de mesurer l’immensité du mensonge du monde que colporte la pensée superstitieuse de l’idéologie, toutes idéologies confondues, grâce à ses relais médiatico-politiques appuyés sur les mensonges d’une prétendue intelligentsia, dont le courage de débattre ne vaut pas mieux que sa malhonnêteté intellectuelle avérée.

Publié dans COURRIER "Politiques"

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