Climat : "A boire et à manger !"

Publié le par Sylvain Saint-Martory

 


Dans un article intitulé, La carotte à remonter le temps, Aline Deprince écrivait dans Le Point, n°1667 du 26 août 2004 :

« Une expédition a entrepris de carotter l'Arctique pour retrouver les variations climatiques des cinquante derniers millions d'années. Des informations précieuses pour comprendre les mécanismes du climat et tenter de le prévoir.

[Au vu des inexactitudes constantes d’aujourd’hui, « c’est pas gagné !]

Protégé par les brise-glaces « Oden », « Yamal », et « Sovetskiy Soyuz », le navire de forage « Vidar Viking » a commencé, en cette fin du mois d'août, un voyage vers le passé. Terrain de jeu de l'armada des glaces, affrétée par Acex (expédition de forage dans l'Arctique), un point de l'océan Arctique situé à 250 kilomètres du pôle Nord. Là, sous 800 mètres d'eau, s'étire la chaîne de montagnes sous-marines Lomonossov dont il s'agit, pour la première fois, d'extraire une carotte de 500 mètres de sédiments marins. Une fois décryptée, elle devrait « raconter » l'histoire du climat qui a régné sur l'Arctique durant les cinquante derniers millions d'années.

[Ainsi la science météorologique d’aujourd’hui « croit-t-elle » en savoir plus sur les cinquante derniers millions d’années que sur les huit prochains jours à venir !]

Vingt-cinq scientifiques au total se partageront l'étude des colonnes de sédiments. Ils se pencheront plus particulièrement sur de minuscules fossiles : les foraminifères, coquillages marins qui, une fois morts, se déposent au fond des mers. Non seulement ces intéressantes petites bêtes se répartissent différemment dans les eaux chaudes et froides, mais, en plus, elles accumulent dans leur coquille des atomes d'oxygène, plus ou moins « lourds », selon la température qu'avait l'eau de leur vivant. En mesurant, dans ces fossiles, le rapport entre les isotopes lourds et légers de l'oxygène, les chercheurs disposent d'un ingénieux thermomètre du milieu dans le passé.
 
[Faute de pouvoir y répondre – et pour cause ! -, je me pose seulement la question de savoir ce que les scientifiques du XXIIIème penseront de notre « savoir » - à distinguer radicalement du « connaître » ! -, si minutieux et tellement garanti d’aujourd’hui ! 

Notre savoir « relatif » contemporain, avancé « garanti sur facture », nous ferait presqu’oublier qu’il y a, à peine plus d’un siècle, un aéronef parcourait péniblement quelques centaines de mètres, alors que 75 ans plus tard, l’homme posait les pieds sur la Lune ! ! !] 

Jusqu'à présent, seules des carottes glaciaires, extraites au Groenland, racontaient l'histoire du climat au pôle Nord, mais seulement sur 250 000 ans. De plus, les glaces ne fournissent pas les mêmes données que les sédiments marins. Mais elles recèlent bien d'autres trésors pour le paléoclimatologue. En particulier de minuscules bulles d'air, véritables « fossiles d'atmosphère », résume joliment Jean Jouzel, directeur de l'Institut Pierre-Simon-Laplace des sciences de l'environnement global. La glace conserve aussi des poussières témoignant des éruptions volcaniques ou de la direction des vents. On y trouve même des indices de l'activité solaire, et les résidus de l'activité industrielle humaine...

800 000 ans d'aléas climatiques


Pour remonter plus loin dans le temps qu'au Groenland, c'est en Antarctique, de l'autre côté du globe, qu'il a fallu se rendre. A la base, alors soviétique, de Vostok, tout d'abord, l'endroit le plus froid de la planète. En 1999, la carotte de glace qui en a été extraite a couvert plus de 400 000 ans d'Histoire. Et, depuis 1995, c'est au Dôme C que l'Europe bat le record du plus long voyage dans le temps surgelé. Plus de 3 kilomètres de glace y ont été forés, retraçant quelque 800 000 ans d'aléas climatiques, en cours de décryptage. 

Ce n'est pas simplement par goût du défi que les scientifiques s'obstinent à aller toujours plus loin dans la glace et le temps. « On prédit aujourd'hui un réchauffement global de 1,5 à 4,5 °C dans le cas où la quantité de CO2 dans l'atmosphère doublerait. C'est encore une fourchette assez large, rappelle Jean Jouzel. Etudier le passé permet de mieux connaître les mécanismes du climat, et par là de diminuer l'incertitude quant au futur. »
 
[Merci de bien vouloir me dire avec certitude, si je peux partir rassuré quant au temps qu’il fera à la fin du mois !]
 
Déjà, les glaces du Groenland ont révélé que le climat a connu de brusques variations au cours de la dernière période glaciaire, qui s'est achevée voilà onze mille ans. Ces bouleversements ont affecté de nombreuses régions, puisqu'on en a retrouvé la trace jusque dans... une stalagmite de la grotte de Villar, en Dordogne.
 
C'est le Français Dominique Genty qui a joué le détective souterrain, en étudiant la partie de la stalagmite formée il y a trente mille à quatre-vingt mille ans. L'épaisseur des couches de carbonate de calcium montre la vitesse de croissance de la concrétion calcaire. Dominique Genty a étudié le carbone dans la roche. L'eau qui forme ces concrétions calcaires est en effet chargée de CO2 dissous, dont une partie provient de la végétation en surface. Durant les périodes chaudes et humides, le végétal foisonne et la stalagmite regorge de ce carbone d'origine biologique. L'inverse se produit pour les périodes froides. 

Et comme les scientifiques aiment la précision, ils ne se contentent pas de savoir si la végétation était abondante ou non plusieurs siècles auparavant. Ils veulent savoir à quoi elle ressemblait. Forêt de chênes, garrigue, savane ? C'est ce que déterminent les « palynologues », à partir des pollens fossiles conservés dans les sédiments lacustres, les tourbières ou les sédiments marins près des côtes. L'une des plus célèbres séries palynologiques françaises, extraite du lac des Echets, au nord de Lyon, couvre quatre cent mille ans. On y voit les changements drastiques de la végétation durant les événements climatiques du dernier âge glaciaire. 

Conclusion : nos régions ont connu bien des bouleversements dans le passé, et ne sont donc pas à l'abri de futures « surprises climatiques ». « Pour les derniers millénaires, nous avons besoin de données annuelles, voire saisonnières », confirme Jean Jouzel. Heureusement, les témoins de ces époques moins reculées sont encore nombreux. Ainsi, dans les océans, la vitesse de calcification du squelette des coraux dépend de la température. Et les récifs coralliens datent parfois de plusieurs milliers d'années. 

Sur les continents, ce sont les arbres qui conservent la mémoire du passé. Le principe est simple : coupez un tronc, observez les anneaux qui vont du cœur à l'écorce. Ils représentent les étapes de la croissance de l'arbre depuis sa naissance, larges les années pluvieuses, et minces les années de sécheresse. En lisant les lignes du bois, les « dendroclimatologues » retracent ainsi, année par année, les variations climatiques sur plusieurs siècles.
 [On est bien avancé pour connaître « sûrement » le temps de la semaine prochaine…] Depuis peu, le dosage de l'oxygène lourd contenu dans la cellulose, comme dans les foraminifères de la future carotte de Lomonossov, enrichit les données. 

Petit à petit, les pièces du puzzle se mettent en place. Les climatologues du GIEC (Groupement intergouvernemental pour l'étude du climat), réunis fin juillet à Paris, ont fait le point sur les progrès accomplis : « Nous avons de plus en plus de données, se réjouit Susan Solomon, coprésidente de son groupe de travail scientifique. Nous pourrons certainement donner une estimation plus précise du réchauffement global dans le prochain rapport du GIEC, prévu pour 2007. » La carotte que devrait bientôt rapporter l'armada de l'Arctique sera une pièce de plus versée au dossier.

Changements climatiques (Complément à l’article d’Aline Deprince)

Les violents orages de la semaine dernière en France [Rappel : il s’agit de 2004] étaient dus à l'insertion, dans la chaîne des dépressions atlantiques, des restes du cyclone tropical Bonnie, né dans les Antilles. Ce type de situation n'est pas une nouveauté météorologique. Cependant, à en croire le dernier rapport de l'Agence européenne de l'environnement (AEE), consultable sur l'internet (www.eea.eu.int/), il pourrait bien voir sa fréquence augmenter avec le réchauffement climatique. D'après les experts européens, notre continent risque de subir, plus que les autres régions du monde, les effets négatifs et positifs du réchauffement global. Conclusion des experts de l'AEE, il faut que l'Europe commence à s'adapter à son futur climat. Hervé Ponchelet
 
 

Publié dans TEXTES

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