Olivier Duhamel : "J'ACCUSE !"

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Le 26 juin 2007

Objet :
 
J’ACCUSE :
« Assez de mensonges et de manipulation ! »
                                                                  
 
Monsieur Olivier Duhamel
Aux bons soins de :
Institut d'études politiques
27, rue Saint-Guillaume
75337 PARIS Cedex 07
Courriel :
                                                                   
 
 
Monsieur,
 
 
Votre intervention politicienne partisane, au cours d’un récent « Politiquement show » en compagnie de Pierre Moscovici sur LCI, me donne l’occasion de vous rappeler mes lettres des 19 avril 2005 et 28 mai 2006 toujours sans réponse à ce jour, mais dont l’intégralité est à votre disposition.
 
Dans ce courrier, je dénonçai les mensonges et les « croyances au miracle » de la superstition idéologique et moraliste que vous contribuez à colporter au même titre que les soi-disant « élites » et autres faiseurs d’opinion du monde de l’information, de la politique, de l’intelligentsia et d’associations « droits-de-l’hommiste » moralisatrices à sens unique et adeptes du « deux poids, deux mesures », mentionnés dans le texte ci-après, Mensonges et lâcheté des élites.
 
Vous remarquerez qu’y figurent l’ancien et le nouveau Président de la République : l’un pour avoir parlé de rendre possible l’impossible au cours de sa campagne présidentielle 2002, et l’autre pour avoir laissé envisager dans un spot télévisé de l’UMP l’avènement d’un monde nouveau fondé seulement sur l’espoir - comme dab !
 
L’ampleur des arguments déjà exposés dans le courrier précédent me dispense d’en ajouter de nouveaux, mais je reste à votre entière disposition pour répondre à vos éventuelles objections sur le fond, voire à vos propositions concrètes pour relever le défi lancé à quiconque, penseurs, responsables politiques et autres du monde entier, de m’indiquer concrètement comment parvenir à l’avènement d’un monde parfait avec des humains « imparfaits » ; imparfaits, c’est-à-dire tout simplement égoïstes dès lors que des intérêts de toutes sortes sont en jeu dans nos affaires d’amour, d’argent et de gloire - ou honneur-vanité.
 
C’est pourquoi, outre votre silence et votre refus avérés de débattre, vos récents propos sur une éventuelle refondation du Parti socialiste augurent mal de la possibilité de repartir sur des bases nouvelles « intellectuellement honnêtes », c’est-à-dire contraires à celles sur lesquelles il prospère aujourd’hui avec ses mensonges, ses « croyances au miracle » et ses condamnations moralisatrices à sens unique.
 
Jusqu’ici, en effet, je ne vous ai guère entendu condamner notamment la promesse fallacieuse de François Hollande, entre autres « vendeurs d’illusion », de changer le monde et mieux de savoir comment y parvenir (LCI, 21 novembre 2004), ni la prétention de Ségolène Royal à établir un « ordre juste », national et international, dont j’ai démontré qu’il s’agissait en réalité d’une « aberration intellectuelle et philosophique » mensongère, sans susciter pour autant de réaction chez la candidate socialiste à ma longue lettre du 27 janvier dernier, qui se trouve à votre disposition.
 
Pour l’heure, en guise de refondation, je constate surtout la division des caciques du Parti socialiste sur le plan des idées, leur unique point d’accord étant, comme cela est notoire en matière de dynamique des groupes, de se trouver réunis seulement « contre » Nicolas Sarkozy : une attitude pourtant peu compatible avec la méthode proposée par François Bayrou pour tenter de faire de la politique autrement. Celle-ci consiste notamment à ne pas voir systématiquement et uniquement les inconvénients, le négatif, dans les propositions du camp opposé, car il s’agit là seulement de jugements de valeur partisans égoïstement intéressés !
 
Forcément, dans un monde où tout est relatif - sauf à vous d’établir le contraire ! -, ce qui est jugé bon par les uns est susceptible de paraître mauvais aux autres, même si la « débilité intellectuelle » de l’époque a réussi à persuader l’opinion, depuis le plus haut sommet de l’Etat et de ses institutions, qu’une quelconque chose humaine - période coloniale en l’occurrence - pouvait contenir « exclusivement » du négatif !
 
Dans notre monde humain relatif, TOUT comporte à la fois du « pour », des avantages, du positif, et du « contre », des inconvénients, du négatif, entre lesquels tranchent seulement les intérêts égoïstes, individuels et collectifs, des uns et des autres, comme les syndicats ouvriers et étudiants, entre autres, semblent vouloir l’illustrer à nouveau aujourd’hui – eux aussi se battent d’abord pour leurs intérêts, et ensuite pour des valeurs !
 
Une véritable refondation du Parti socialiste ne pourra avoir lieu qu’en renonçant aux chimères, aux « croyances au miracle », qui conduisent à flirter avec l’extrême gauche et son siècle de retard ou presque. Continuer à parler de « révolution » pour changer le monde, après les résultats avérés des deux grandes révolutions à portée universelle, c’est persévérer dans le mensonge et la tromperie de l’opinion ! Par chance pour tous les « marchands de rêve », la foule superstitieuse est davantage portée à croire et à répéter qu’à « penser vraiment » ! ! !
 
Penser vraiment, c’est renoncer aux croyances superstitieuses de l’idéologie, toutes les idéologies sans exception, et du moralisme [Morale et condamnations moralisatrices des Autres au nom de LA morale : laquelle ?], tous catéchismes réunis, y compris le catéchisme soi-disant universel contemporain ou Déclaration universelle des droits de l’homme, dont seule l’ « inobservation » est réellement universelle – sauf à vous d’établir le contraire à l’aune de l’actualité internationale et nationale !
 
La caractéristique commune de la Superstition dans ses divers modes d’expression, dont relèvent également la religion, toutes religions confondues, et la métaphysique [Doctrine matérialiste, depuis Aristote notamment, jusqu’au scientisme contemporain, positivistes inclus, et scolastique idéaliste de Descartes et Kant, entre autres], est d’ « absolutiser le relatif », c’est-à-dire de faire passer pour vérité absolue le contenu seulement relatif pensé dans notre monde et à propos de notre monde.
 
Faute de disposer encore de mon courrier antérieur et donc pour vous permettre d’avancer d’éventuelles objections, je vous rappelle sommairement ici en quoi consistent les mensonges et les « croyances au miracle » propres à la superstition idéologique et moraliste, sur lesquels fonctionnent toujours la société humaine universelle et la communauté nationale française.
 
La superstition idéologique - socialisme, communisme, altermondialisme, et autre gauchisme - accrédite l’idée intellectuellement aberrante de parvenir – DEMAIN ! - à l’avènement d’un monde parfait avec des humains imparfaits : en clair, à transposer l’Idéal dans le quotidien ! Pour cela, elle se base sur l’idée chimérique d’un progrès moral linéaire de l’Homme, censé le conduire à devenir « parfait » à force de petits pas vers la perfection, en oubliant l’abîme infranchissable entre l’absolu ou perfection et la « relativité » de notre nature humaine égoïste inchangeable, malgré des différences de degrés entre humains et selon les circonstances. Diverses expériences communistes supposées changer l’Homme en changeant la société ont suffisamment prouvé que l’homme d’aujourd’hui est en tout point moralement semblable à celui d’hier, comme cela a été largement développé dans le courrier antérieur.
 
Ainsi, en raison de notre égoïsme inné, RIEN [cf. courrier précédent] n’est en mesure de faire de l’homme, tel qu’il est, l‘homme tel qu’il devrait être pour parvenir à concrétiser ses rêves : la Culture sous tous ses formes est à jamais impuissante contre notre nature, comme l’exprime sobrement ce mot de Camus : « La souffrance et la révolte s’éteindront avec le dernier homme. » - sauf à vous de démontrer le contraire !
 
La superstition moraliste se fonde essentiellement sur trois fictions sommairement rappelées ici, mais très largement développées dans ma lettre du 27 janvier dernier à Ségolène Royal.
 
La première fiction consiste à faire croire en la réalité absolue d’un Bien et d’un Mal absolus, alors que bien et mal sont des valeurs seulement « relatives » : philosophiquement parlant, la coexistence de deux  absolus est une « impossibilité absolue », comme cela a été démontré précédemment.
 
La seconde fiction, fondée sur la première, consiste à distinguer « deux » sortes d’humains par nature, les bons, nous – la gauche en l’occurrence - et les méchants, eux – la droite -, comme l’a illustré en son temps ce mot inénarrable de Daniel Vaillant, ministre du gouvernement Jospin : « Eux se battent pour leurs intérêts, nous, nous nous battons pour des valeurs » ! Peut-on trouver meilleure formule pour illustrer l’expression « se moquer du monde » ? !
 
La troisième fiction, fondée sur le libre choix moral entre le Bien et le Mal, fait appel à un illusoire « libre arbitre », en vertu duquel il suffirait de vouloir pour pouvoir. Outre que cette vision simpliste est constamment démentie dans les faits, sinon tous les problèmes du monde seraient réglés aussitôt, changer le monde ne veut absolument rien dire. En effet, notre monde en perpétuel mouvement est en constant changement, comme le confirme l’obligation de s’adapter en permanence aux multiples changements par l’institution de nouvelles mesures, de nouvelles règles, etc., qui ont toujours forcément un train de retard.
 
Toutefois, je n’entre pas ici dans le débat philosophique opposant la « nécessité », au sens spinoziste du terme, à ce libre arbitre fictif inspiré par la religion et l’idéalisme de Descartes et de Kant, entre autres, puisque cela a été également développé précédemment ; je suis d'ailleurs tout disposé à y revenir.
 
Je m’en tiens là pour l’instant, mais l’honnêteté intellectuelle la plus élémentaire ne devra pas manquer de prendre en compte tous les arguments avancés précédemment, puisqu’ils sont encore à votre disposition. En revanche, votre obstination dans le silence et le refus de débattre confirmera votre intention manifeste de continuer à colporter les mensonges et les « croyances au miracle » du monde, par lesquels vous endoctrinez les étudiants de Sciences Po.
 
Je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
 
Annexe : Mensonges et lâcheté des élites
 

Publié dans COURRIER "Politiques"

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