De la théorie à l'aventurisme, et de l'aventurisme au fiasco !

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Le 27 juin 2007
 
Objet :
 
« De la théorie à l’aventurisme, et de l’aventurisme au fiasco ! »
  
 
Monsieur François Bayrou
Mouvement démocrate
133 bis, rue de l’Université
75007 PARIS
Fax : 01 53 59 20 59
                                                                      
 
Monsieur,
 
 
Votre déconfiture législative avérée me donne l’occasion de vous rappeler l’abondante correspondance adressée entre le 7 décembre 2004 et le 14 mai 2007, sans parler ici des échanges antérieurs sur la Turquie et le manque de solidarité de l’Union européenne auxquels vous aviez accepté de participer.
 
Dans le courrier toujours sans réponse à ce jour, mais dont l’intégralité est encore à votre disposition, j’ai dénoncé tour à tour les mensonges et les « croyances au miracle » de la superstition idéologique et moraliste sur lesquels continuent de fonctionner la société humaine universelle ainsi que la vie politique nationale, entre autre, puis loué votre engagement de renoncer à toutes les promesses électorales, avant de vous mettre en garde, dans ma lettre du 27 février dernier, contre l’aventurisme de votre candidature présidentielle en raison du flou qu’elle recelait, mais que vous avez délibérément refusé de clarifier, y compris dans un entretien avec Laurence Ferrari sur Canal +.
 
La situation inconfortable actuelle du Mouvement démocrate, condamné à jouer seulement le rôle d’électron libre pendant les cinq longues prochaines années, devrait, non seulement vous inciter à méditer votre échec final, mais également à réfléchir de façon moins superficielle sur les valeurs « relatives » de Bien et Mal, censées fonder votre penchant  aléatoire vers tel bord ou tel autre au gré des circonstances. Sinon vous tomberez dans le péché capital de l’entendement humain consistant à « absolutiser le relatif », c’est-à-dire à présenter comme vérité absolue le contenu seulement relatif pensé dans et à propos de notre monde humain, où rien n’est absolu.
 
Pour alimenter votre réflexion et vous éviter ainsi de mentir et de tromper l‘opinion, à l’exemple des soi-disant « élites » du monde de l’information, de la politique, de l’intelligentsia et d’associations droits-de-l’hommiste moralisatrices à sens unique et adeptes du deux poids, deux mesures, je vous rappelle ci-après ma lettre du 14 mai dernier, accompagnée du texte, Mensonges et lâcheté des élites.
 
Dans l’espoir que cela guidera vos futurs choix au-delà de la « relativité » de toutes les opinions partisanes de notre monde, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
 
 Annexe : I – Lettre du 14 mai 2007
 
Le 14 mai 2007
Objet :
 
« Philosophie contre
politique "politicienne",
mensonges et manipulation »
  
 
Monsieur François Bayrou
U.D.F
133 bis, rue de l’Université
75007 PARIS
Fax : 01 53 59 20 59
 
[A l’attention du Bureau directeur et des élus UDF]
 
 
Monsieur,
 
 
A en croire les propos de Marielle de Sarnez, au cours de sa récente intervention dans l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC Info, la stratégie de votre nouvelle organisation, transformée par ailleurs sous la risée médiatique, du jour au lendemain, de Parti démocrate, PD, en Mouvement démocrate, Modem, serait de décider, au cas par cas, ce qui serait « bien » ou « mal » pour la France et les Français, sous entendu « idéalement » bon ou mauvais pour eux. 
 
La principale argumentation, à l’appui de ce « ni-ni », dénonçait, à juste titre, les comportements partisans des élus des deux principales formations politiques actuelles, approuvant sans réserve les options de son propre camp et dénonçant systématiquement celles du camp opposé. Rien ne confirme, toutefois, que vous avez toujours échappé à ces pratiques partisanes, du temps où vous étiez l’allié de la droite !
 
Ceci relève exclusivement de notre nature humaine égoïste mise au service de nos intérêts de toutes sortes, comme il en va pour chacun des humains dans ses affaires personnelles d’amour, de possession de biens ou de personnes, et de gloire ou honneur-vanité. Outre que, si un seul humain faisait exception à sa nature innée, « ça » se saurait, votre stratégie personnelle pour conquérir le pouvoir suffit à confirmer que vous n’échappez pas non plus à votre nature humaine intéressée, même en la relookant en prétendue défense de l’ « intérêt général », cette chimère dont j’attends que vous en citiez un seul exemple indiscutable. Même la désignation d’un président de la République, comme il en va pour n’importe quelle élection, cristallise seulement les aspirations égoïstes de millions, voire dizaines de millions, de citoyens électeurs, aux aspirations pourtant antagonistes dans leur désir de mieux vivre !
 
Dans ma lettre du 7 décembre 2004, toujours sans réponse à ce jour, j’ai déjà eu l’occasion de dénoncer les mensonges et les « croyances au miracle » de la superstition idéologique, toutes idéologies confondues, et de la superstition moraliste ou moralisme [Morale et condamnations moralisatrices des Autres au nom de LA Morale – laquelle..? !], tous les catéchismes sans exception, y compris le catéchisme soi-disant universel contemporain ou Déclaration universelle des droits de l’homme, dont seule l’ « inobservation » est réellement universelle – sauf à vous d’établir le contraire à l’aune de l’actualité internationale et nationale (illustrée par la récente campagne présidentielle avec ses coup bas et ses manœuvres « politiciennes » antidémocratiques ) !
 
Idéologie et moralisme confirment à merveille le péché capital de l’entendement humain consistant à « absolutiser le relatif », à transposer l’Idéal dans le quotidien, comme il en va pour les notions de « bien » et de « mal », de bon ou de mauvais pour la France et les Français. 
 
Ainsi, sur la base de l’absolutisation du relatif, la superstition moraliste repose sur trois « fictions », dont la première est la « croyance » en un Bien et un Mal soi-disant absolus, alors que bien et mal, bon ou mauvais, sont des valeurs seulement « relatives », puisque fluctuant au gré des époques, des contrées et des groupes humains. Une « chose » jugée bonne ici est autorisée, tandis qu’elle est interdite ailleurs, parce que considérée comme mauvaise. Ceci suffit amplement à attester la « relativité » de tout le contenu pensé dans et sur (à propos de) notre monde, alors que vous entendez dicter ce qui est bon ou mauvais pour la France et les Français : votre jugement relatif se transformant ipso facto en jugement « absolu », dictant l’Idéal !

Or, sur le plan strictement philosophique, la coexistence d’un Bien et d’un Mal absolus est une « impossibilité absolue » par définition. En effet, ce qui est « absolument absolu » ne peut être qu’UN, unique, alors que ce dualisme prive le Bien comme le Mal d’une véritable réalité absolue. 

Bien et Mal sont des valeurs seulement relatives que le penser superstitieux « absolutise » fictivement, c’est-à-dire qu’ils sont présentés « mensongèrement » comme s’ils étaient réellement absolus – et ce,toujours dans le seul souci des intérêts égoïstes, individuels et collectifs, des uns et des autres ! 

En vérité, il n’y a  pas de choses bonnes ou mauvaises « en soi », c’est-à-dire indépendamment de tout jugement de valeur d'un penser partisan qui les pense, comme ce mot de Spinoza l’exprime à merveille :

« Nous ne désirons pas une chose parce qu’elle est bonne, mais c’est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne. »

De ce fait, aucune vision du monde et de la France n’est légitimée à se prévaloir d’une validité absolue, sur le plan moral aussi bien que politique, sur quelque question que ce soit, nationale comme internationale ! 

La seconde fiction du moralisme se rapporte à la division artificielle des humains en « deux » catégories absolues ; une distinction par ailleurs très pratique pour jeter des anathèmes et autres condamnations moralisatrices sans réel fondement, hormis le recours à la première fiction. Elle consiste à distinguer les bons, les « vertueux », aujourd’hui les prétendus antiracistes, d’un côté, et les méchants, les « salauds », les racistes, de l’autre.

En vertu de cette distinction, les bons pour les « censeurs autoproclamés », ce sont apparemment toujours les siens et soi – nous ! -, tandis que les méchants, ce sont toujours les Autres – eux ! -, comme l’affirmait sans ambiguïté - et sans rire ! - Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin, déclarant en son temps : « Eux (la droite), se battent pour leurs intérêts, nous (la gauche), nous nous battons pour des valeurs. » [Sic !] ; peut-on trouver meilleur exemple pour illustrer l’expression « se moquer du monde »..? ! 

Selon cette division, en effet, les uns seraient sur Terre pour accomplir le Bien absolu, tandis que les autres auraient été condamnés – par qui ou par quoi..? ! – à servir les desseins d’un Diable maléfique dans son œuvre de Mal absolu ! En clair, le choix est le suivant : soit, il y aurait « deux » natures humaines : l’une à l’usage des bons, une sorte d’élection divine pour ainsi dire, et l’autre réservée de toute éternité aux méchants, soit, certains privilégiés échapperaient - par miracle ! – à la seule et unique nature commune aux six milliards et quelques humains. En réalité, il y a d’innombrable « hypocrites » sur la planète, et ce, aussi longtemps qu’aucun d’entre eux n’aura l’honnêteté intellectuelle de dire « sans honte ni culpabilité » : « Plus égoïste que moi, tu meurs ! »…

Je vous renvoie à la condamnation sans appel, dépourvue de toute connotation moralisatrice envers les humains, et remontant à bientôt deux mille ans, qui dénonçait déjà sans ambiguïté cette « fable » des bons et des méchants. Le Christ, dans sa Parole non pervertie par la superstition religieuse qui a usurpé son nom, avait saisi LA Vérité absolue. Lui, simple mortel, ni fils de Dieu ni « Dieu fait homme » selon des expressions prises au premier degré, c’est-à-dire religieusement parlant, avait fort justement compris qu’il n’y a ni Bien ni Mal absolus, et pas davantage les bons et les méchants, que ce soit par nature ou dans leurs comportements quotidiens, où chacun se conduit, tantôt en « vertueux », tantôt en « salaud », avec assurément des différences de degré selon les circonstances et l’intensité de ses aspirations et intérêts égoïstes dans ses affaires d’amour, de possession et de gloire ou honneur-vanité. 

Il n’y a pas les bons, d’un côté, et les méchants, de l’autre, il n’y a que des individus égoïstes, tous sans une seule exception – sinon, par quel miracle de la Nature en sa faveur ? ! 

Sur la base du « relatif absolutisé » de ces deux fictions, je vous fais observer querien ni personne n’a investi quiconque en Juge absolu sur Terre pour décider du bien et du mal, de ce qui est bon ou mauvais - et en particulier François Bayrou ! D’ailleurs, je vous saurais gré de m’indiquer d’où vous tireriez une quelconque légitimité à dicter l’ « Idéal » du bon ou du mauvais pour la France et les Français – de surcroît, au gré des circonstances ! -, puisque, apparemment, vous semblez vous autoriser à en décider « absolument » ! ! !

La troisièmefiction de la superstition idéologique et moraliste est la croyance en un prétendu « libre arbitre », en vertu duquel il suffirait de vouloir pour pouvoir. C’est sur cette illusion que se fonde la superstition idéologique pour promettre l’avènement d’un monde « parfait » avec des humains « imparfaits », qui dépendrait de notre seule volonté libre pour réaliser cette chimère. Là aussi, l’époque témoigne de sa « débilité intellectuelle », comme l’a illustré Jack Lang déclarant sur un plateau télévisé : « Quand un gouvernement veut, il peut. » [Sic !]

C’est à se demander pourquoi perdurent les maux éternels de l’humanité, si notre libre volonté suffit à les éradiquer. Comme quoi on peut être un responsable politique de haut rang et avoir une vision superstitieuse des choses ! ! ! Assurément, Jack Lang n’est pas le seul, puisque Xavier Bertrand, ex-ministre de la Santé, a également déclaré sur RMC Info, pour illustrer le volontarisme politique de son camp : « Quand on veut, on peut » !

Vos jugements politiques annoncés relèvent de la même fiction de transposer, au cas par cas, l’Idéal dans le quotidien, grâce à votre libre volonté, mais je n’entre pas ici dans un débat exhaustif opposant la « nécessité », au sens spinoziste du terme, à un illusoire libre arbitre, supposé capable de concrétiser toutes nos chimères humaines.

Vous l’avez d’ailleurs compris, puisque vous avez déclaré que « tout n’est pas possible », contrairement au slogan de campagne de Nicolas Sarkozy. Dommage que vous n’ayez pas eu l’idée de dénoncer également le soi-disant « ordre juste » de Ségolène Royal, au lieu de tenter un impossible rapprochement ! 

En conclusion, pour résumer brièvement mon idée de départ, je réaffirme que, dans un monde où tout est relatif, bien et mal, bon ou mauvais, ne sont pas l’Idéal « en soi », philosophiquement parlant, mais seulement la conception relative que vous vous en forgez pour la France et les Français.

Je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

II – Mensonges et lâcheté des élites
                                             
 

 

Publié dans COURRIER "Politiques"

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article