LA Vérité : "UN" absolu ou "deux" absolus ?

Publié le par Sylvain Saint-Martory


[Suite à l'article publié sur Agora Vox, et reproduit ci-dessous, j'invite les visiteurs de passage à se faire une idée plus précise sur LA Vérité, en consultant le titre de ce texte ainsi que la réponse apportée, et à donner en conséquence leur avis personnel.] 


Qu’est-ce que la vérité ? Et la vérité est-elle l’apanage du christianisme ?


Qu’est-ce que la vérité ? Vous vous souvenez sans doute de cette réplique de Pilate dans le récit du procès de Jésus dans l’évangile de saint Jean. Il exprimait certainement le doute profond d’une culture païenne répandue dans l’Empire romain, dans lequel la multiplicité des dieux n’arrivait pas à combler l’aspiration des hommes au sens de leur vie.

Notre culture et notre société ont suscité beaucoup de systèmes pour promettre à l’homme le salut et le bonheur. Le siècle écoulé, pour ne remonter qu’à lui, nous a proposé successivement le salut par le progrès indéfini des sciences et de la prospérité économique puis le salut par la révolution marxiste. L’un et l’autre ont eu leur temps de séduction et ils ont engendré des attachements comparables à une foi religieuse. L’un et l’autre nous ont montré leurs limites à délivrer l’homme.


Après ce que l’on a désigné comme la chute des idéologies, nous avons vu se développer le scepticisme ou le cynisme généralisés. Puisque nous n’avons pas réussi à construire par nous-mêmes notre propre bonheur, pourquoi ne pas prendre acte de cette impossibilité et pourquoi ne pas renoncer à une ambition démesurée ? Pourquoi ne pas nous en tenir à la gestion quotidienne des difficultés en nous efforçant de trouver des protections à notre mesure, chacun pour soi. Ainsi surgit un nouveau mythe sécuritaire : la société doit nous materner et nous éviter les risques de la vie. Pour l’avenir, il nous suffit de décrocher le diplôme qui donne accès aux emplois protégés et à attendre la retraite, la plus précoce possible.

La découverte de la vérité, la découverte du mystère fondateur de la vie est un chemin, une route. Je pense à Abraham qu’on désigne depuis toujours du nom de Père des croyants. Vous connaissez la parole que Dieu lui a adressée : « Pars de ton pays, de ta famille, et de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir » (Gn 12, 1). Mais aussi et surtout à cette parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Remarquez la proximité de ces trois mots : chemin, vérité et vie. Ils s’éclairent mutuellement : il n’y a pas de vérité et de vie en dehors d’un chemin à parcourir. Alors, on comprend l’importance de cet appel que Jésus adresse si souvent aux personnes qu’il rencontre : « Viens et suis-moi ». La connaissance de la vérité ne mobilise pas notre seule intelligence, mais elle engage toute notre personne.

« Au terme du second millénaire, le christianisme se trouve, précisément dans le domaine de son extension originelle, en Europe, dans une crise profonde, qui repose sur la crise de sa prétention à la vérité. Cette crise a une double dimension : tout d’abord se pose toujours plus la question de savoir s’il est juste, au fond, d’appliquer la notion de vérité à la religion, en d’autres termes s’il est donné à l’homme de connaître la vérité proprement dite sur Dieu et les choses divines. L’homme contemporain se retrouve bien mieux dans la parabole bouddhiste de l’éléphant et des aveugles : un roi dans le nord de l’Inde aurait un jour réuni en un lieu tous les habitants aveugles de la ville. Puis il fit passer devant les assistants un éléphant. Il laissa les uns toucher la tête, en disant : c’est ça un éléphant. D’autres purent toucher l’oreille ou la défense, la trompe, la patte, le derrière, les poils de la queue. Là-dessus le roi demanda à chacun : comment c’est, un éléphant ? Et selon la partie qu’ils avaient touchée, ils répondaient : C’est comme une corbeille tressée... c’est comme un pot... c’est comme la barre d’une charrue... c’est comme un entrepôt... c’est comme un pilastre... c’est comme un mortier... c’est comme un balai... Là-dessus - continue la parabole - ils se mirent à se disputer, et en criant : L’éléphant, c’est comme ci, c’est comme ça, ils se jetèrent l’un sur l’autre et se frappèrent avec les poings, au divertissement du roi. La querelle des religions apparaît aux hommes d’aujourd’hui comme cette querelle des aveugles-nés. Car face aux secrets du divin nous sommes, semble-t-il, nés aveugles. Le christianisme ne se trouve en aucune manière pour la pensée contemporaine dans une position plus positive que les autres - au contraire, avec sa prétention à la vérité, il semble être particulièrement aveugle face à la limite de toute notre connaissance du divin, caractérisée par un fanatisme particulièrement insensé, qui prend incorrigiblement pour le tout le bout touché par l’expérience personnelle.


Ce scepticisme tout à fait général à l’égard de la prétention à la vérité en matière de religion est encore étayé par les questions que la science moderne a soulevées vis-à-vis des origines et des objets de la sphère chrétienne. La théorie de l’évolution semble avoir surclassé la doctrine de la création, les connaissances concernant l’origine de l’homme surclassé la doctrine du péché originel ; l’exégèse critique relativise la figure de Jésus et met des points d’interrogation vis-à-vis de sa conscience de Fils ; l’origine de l’Église en Jésus apparaît douteuse, et ainsi de suite. La "fin de la métaphysique" a rendu problématique le fondement philosophique du christianisme, les méthodes historiques modernes ont mis ses bases historiques dans une lumière ambiguë. Aussi est-il facile de réduire les contenus chrétiens à un discours symbolique, de ne leur attribuer aucune vérité plus haute que les mythes de l’histoire des religions - de les regarder comme un mode d’expérience religieuse qui aurait à se placer humblement à côté d’autres.


Car s’il ne sait pas d’où il vient et pourquoi il existe, n’est-il pas en tout son être une créature manquée ? L’adieu apparemment définitif à la vérité sur Dieu et sur l’essence de notre moi, l’apparent contentement de ne plus devoir nous occuper de cela, trompe. L’homme ne peut se résigner à être et rester pour l’essentiel un aveugle-né. L’adieu à la vérité ne peut jamais être définitif. »
Joseph Ratzinger.


Cet extrait tiré d’un texte de Joseph Ratzinger, devenu peu après Benoît XVI, nous amène à nous poser la question sur effectivement, le sens de la vérité. Car c’est en recherchant la vérité que l’on arrive à comprendre finalement le sens de la vie. La seule question qui vaille finalement la peine d’être posée durant notre cours passage dans ce monde. Une objection courante adressée au christianisme par les mouvements néo-gnostiques contemporains, consiste à dire que le chrétien prétend « posséder » la vérité. Comment pourrions-nous prétendre posséder une personne ? Car pour les chrétiens, Jésus est la vérité. De plus, Notre-Seigneur annonce qu’il nous enverra l’Esprit de vérité pour nous introduire dans la vérité toute entière. Ce n’est donc pas nous qui possédons la vérité, mais l’Esprit qui nous y introduit. De plus, cette vérité se révèle ultimement être celle de l’amour de charité, c’est-à-dire du don gratuit. Comment pourrions-nous prétendre posséder l’amour, alors que celui-ci n’est que don de soi ? L’Evangile nous révèle que c’est dans le don de nous-mêmes que nous libérons le mouvement de la vie, cette vie que nous possédons dans la mesure même où nous la donnons.


L’Eglise catholique n’a jamais prétendu à « l’apanage de la vérité » : elle reconnaît même la présence de « semences du Verbe » (sous-entendu « de Vérité ») dans toutes les traditions. Mais elle prétend - ou plutôt elle croit (au sens fort de la vertu théologale et non de la simple croyance) - qu’en Jésus-Christ, cette Vérité se révèle en plénitude. Quant au Prologue de saint Jean, c’est un des textes les plus commentés de la littérature universelle ! En des sens souvent contradictoires d’ailleurs. L’Eglise n’a jamais interdit à quiconque de se pencher sur ces versets, mais elle prétend que pour le comprendre de manière authentique, il faut le lire à la lumière de l’Esprit saint qui l’a inspiré à saint Jean. Or la foi est précisément la lumière surnaturelle qui nous permet d’interpréter les Evangiles « en Esprit et vérité » (Jn 4, 23).


Donc finalement cette fameuse vérité si l’on lit bien Saint-Jean, cette vérité doit s’appeler Amour. Alors comment posséder cette vérité qui est amour puisque l’amour est le don de soi : « aimer c’est tout donner et donc se donner soi-même ». Je ne peux donc pas posséder le don. Car ce sont deux mouvements contradictoires. Or, qui d’autres que Jésus-Christ est allé jusqu’à donné sa vie pour les hommes et devenir ainsi comme la plus parfaite représentation du don de soi ?


Le commandement principal de Jésus est donc l’Amour. Tous les commandements de Dieu - ne pas voler, ne pas tuer, ne pas mentir.. -. sont compris dans ce commandement que nous a donné Jésus. En cela, le christianisme est la doctrine la plus simple du monde : nous valons ce que vaut notre cœur. Mais il faut cependant être attentif, car la parole « amour » cache souvent des pièges.


Un piège, par exemple, est de confondre le sentiment qu’on éprouve envers les autres pour de l’amour, quand en fait, il s’agit seulement d’un vague sentiment épidermique. L’amour véritable est un don de soi : il requiert sacrifice, abnégation et fidélité.


Un autre piège, c’est de croire que pour aimer notre prochain, nous devons satisfaire toutes ses demandes. Au contraire : quand la demande qui nous est faite est erronée, si nous aimons véritablement notre prochain, nous devons être capable de lui dire non.


Mais aimer son prochain comme soi-même est quelque chose de tellement difficile, que tous les grands saints ont justement observé qu’on ne peut y arriver que par amour pour Dieu. De même qu’il est vrai que celui qui n’aime pas son prochain ne peut pas dire qu’il aime Dieu, il est aussi vrai que celui qui n’aime pas Dieu ne peut pas aimer véritablement son prochain.


Jésus a expliqué avec relativement peu de paroles ce que veut dire « aimer ». Quelques heures avant sa passion, lors du dernier repas, il affirme une dernière fois son commandement... mais ajoute une nuance riche de sens « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (
Jn 13,34). Comme je vous ai aimé... c’est-à-dire, jusqu’au point de mourir sur la croix pour nous.
C’est cela l’extraordinaire mesure de l’amour chrétien.


RÉPONSE
 :


Cet article fait ressortir, à juste titre, que la religion chrétienne, toutes composantes confondues, n'exprime pas LA Vérité éternelle absolue, mais toutes les autres religions sans exception, monothéistes ou non, ne sont pas davantage l'expression de l'Absolu, de la réalité ou Vérité absolue.


Au-delà des religions, toutefois, la "métaphysique", à savoir la doctrine matérialiste d'Aristote et du scientisme contemporain, positivistes inclus, ainsi que la scolastique idéaliste, ou pseudo-philosophie spiritualiste de Descartes et de Kant, entre autres "philosopheurs" avec leur Dieu-créateur, n'est pas davantage le porte-parole de LA Vérité "absolue".


En effet, religion et métaphysique croient, et font croire, en la coexistence possible de "deux" absolus, à savoir un créateur ou un principe créateur (primus motor ou big bang) et leur création ou production, c'est-à-dire notre monde humain.


Or la coexistence de "deux" absolus, c'est une "impossibilité absolue" par définition, car, si deux absolus coexistaient, aucun d'eux ne serait "absolument absolu", puisqu'ils ne pourraient être en même temps infinis, illimités, éternels et parfaits - sauf à croire en la coexistence de "deux" perfections différentes - deux "Biens" absolument absolus !

Faut-il en conclure que l'un des deux absolus évoqués ci-dessus ne serait pas, en réalité, "absolument absolu" ? OUI ! Sauf à nier l'existence de l'Absolu, en démontrant sa non-existence, on peut lui accorder l'existence absolue par définition, et donc le faux absolu, l'absolu "fictif", c'est notre monde humain. Celui-ci, en effet, n'existe pas absolument, ou "en soi", mais son existence est seulement "relative", c'est-à-dire en relation à notre entendement particulier humain, en dehors duquel il n'a aucune réalité pour chacun des infinis entendements infinis, dont les mondes spécifiques coexistent avec le nôtre sans jamais se rencontrer ni se connaître.


C'est le propre du penser superstitieux de croire en la coexistence absolue de "deux" absolus, mais les mystiques "authentiques", le Bouddha et le Christ notamment,  ainsi que les "vrais" philosophes (Platon, Giordano Bruno, Spinoza et leur héritier spirituel, le philosophe juif allemand Constantin Brunner (1862-1937), ne sont pas tombés dans ce "dualisme" superstitieux. Et c'est parce que la foule superstitieuse a perverti leur Parole de vérité que le Bouddha et le Christ sont devenus, malgré eux, les fondateurs d'une religion qu'ils n'ont pas voulu créer ; ce mot du Christ  suffit à en témoigner :  "le Père et moi ne faisons qu'UN" - et pas "DEUX" ! ! !

"UN" absolu ou "deux" absolus, où est LA Vérité ? La démonstration succincte ci-dessus ne devrait laisser personne dans le doute, mais j'invite les sceptiques à consulter le texte "A propos de vraie philosophie" sur le blog "Philosophie contre Superstition", hébergé sur over-blog.com, et à faire part de leurs objections éventuelles, philosophiquement étayées.




 

 

Publié dans TEXTES

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