« "Ordre juste" : paroles… paroles… et encore des paroles… »

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Le 2 avril 2008

Objet :

« "Ordre juste" : paroles… paroles… et encore des paroles… »

 

Madame Ségolène Royal

Aux bon soins du

Parti Socialiste

10, rue de Solferino

75007 Paris

Fax : 01 47 05 15 78

 

[A l’attention de : François Hollande, Arnaud Montebourg, Bertrand Delanoë, Dominique Strauss-Kahn, Élisabeth Guigou, Henri Emmanuelli, Jack Lang, Jean Glavany, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Chevènement, Julien Dray, Laurent Fabius, Lionel Jospin, Malek Boutih, Manuel Valls, Martine Aubry, Michel Sapin, Olivier Duhamel, Pierre Moscovici, Robert Badinter et Vincent Peillon]

 

Madame,

 

Dans votre entretien intitulé « Pour en finir avec les conformismes », publié dans le n°1854 de l’hebdomadaire Le Point du 27 mars 2008, je l’ai longtemps cherchée, et j’étais déjà prêt à me réjouir que vous y ayez enfin renoncé.


J’ai dû patienter jusqu’au bout des trois pages de l’entretien généreusement accordé par cet hebdomadaire, qui, lui, n’est pas honteux d’afficher, contrairement à d’autres, qu’il a été de droite, et entend le rester, ce qui ne signifie pas pour autant être « sectaire », sinon Bernard Kouchner et d’autres ne seraient pas où ils sont.

La présidence de Jacques Chirac entre 2002 et 2007, en tout cas, n’avait pas brillé par son ouverture à gauche, même s’il lui était partiellement redevable de son élection de maréchal de république bananière - mensonges compris, du moins si j’en juge d’après le propos mêmes de Lionel Jospin, rapporté dans le nouvel Observateur en mai 2002 ! Et même si vous vous obstinez à prétendre que l’ouverture annoncée de mai 2007 n’était qu’une manœuvre politicienne pour gruger l’opinion, l’actuel chef de l’Etat a fait ce dont d’autres rêvaient – bien entendu, avec eux, « ça » aurait été beaucoup mieux : comme dab. Ce doit être tellement vrai que trois élections présidentielles successives perdues suffisent à témoigner du contraire…


Enfin, elle est apparue, trois lignes avant la fin, cette fameuse formule magique, cette incantation immémoriale promettant à l’humanité la félicité éternelle, baptisée aujourd’hui « ordre juste » - entre autres « attrape-gogos » ! Dommage que vos deux lignes terminales : « De l’école au travail, c’est aujourd’hui l’une des questions centrales » le renvoient définitivement à la saint Glin-glin – sauf à vous d’établir concrètement « comment » y parvenir, et à voir le temps qu’il faut au parti socialiste pour accoucher d’un projet « crédible », ce n’est pas gagné !


Toutefois, il vous suffirait simplement, si je puis dire, de répondre point par point, avec clarté et précision, au défi que je vous ai lancé (cf. lettre du 27 janvier 2007, entre autre), ainsi qu’aux soi-disant « élites » du monde entier. Sauf à vous d’établir le contraire, en effet, cette question centrale restera posée à la France comme au reste du monde jusqu’à la fin des temps, même si vous vous référez à Camus, en tant que maître à penser, pour accréditer votre chimère – je dirais même d’autant plus…


A son sujet comme sur tant d’autres, votre mémoire est manifestement sélective : vous prenez sûrement chez Camus ce qui vous arrange et ignorez délibérément ce qui contrarie vos aspirations égoïstes - quitte à mentir ! ! ! Vous ne pouvez plus ignorer, en effet, que, durant des mois, de septembre 2006 au 2 mai 2007, je n’ai eu de cesse de dénoncer votre prétendu « ordre juste », comme étant une « aberration intellectuelle et philosophique » mensongère, et vous en remettez pourtant encore une couche – en opposition à la pensée de Camus, précisément ! ! !


Il n’est pas question de reprendre ici l’intégralité de l’argumentation développée dans la dizaine de lettres, adressée avant l’élection présidentielle. Je pense avoir tout dit, ou presque, dans la synthèse d’une trentaine de pages, faxée le 27 janvier 2007, pour dénoncer, une fois de plus, les mensonges et les « croyances au miracle » de la superstition idéologique et moraliste, que vous contribuez à colporter, sans avoir le courage intellectuel de faire valoir vos éventuelles objections rationnellement étayées, a fortiori philosophiquement au nom de Camus.


Vous avez beaucoup de chance que les dix-sept millions d’électeurs, qui vous ont soutenue, ignorent tout de votre lâcheté intellectuelle : il y a mieux, en effet, pour aspirer à présider la République ! C’est pourquoi, si j’avais décidé, le 2 mai dernier, de vous faire parvenir cette synthèse par lettre recommandée avec accusé de réception, c’était, non seulement pour prendre date sur l’exacte réalité de l’ « ordre juste » au terme d’un éventuel quinquennat, mais aussi pour disposer d’une preuve irréfutable de votre lâcheté : jusqu’ici, en effet, votre réponse de fond se limite toujours seulement à un récépissé postal ! Or, votre silence craintif et celui des prétendues « élites » ne démontre en rien la fausseté de mes affirmations, fondées sur la pensée des grands diseurs universels de LA Vérité éternelle absolue, qui suffit à invalider tous les points de vue relatifs partisans, quels qu’ils soient ! ! !


C’est pourquoi pour revenir à Camus, si vous n’aviez pas la mémoire sélective, vous ne pourriez pas faire abstraction - donc dissimuler ! – d’un propos, dont je vous ai souvent fait part pour établir le « mensonge
 » consistant à promettre l’avènement d’un ordre juste pour la France ou la planète entière, fut-ce dans des siècles ou des millénaires !


En tout cas, vous ne pourrez pas nier que, page 23 de cette synthèse, je vous rappelai, une fois de plus, ce mot de Camus qui contredit vos mensonges en renvoyant, sans ambiguïté, vos « croyances au miracle » à la fin des temps, ainsi que chacun peut en juger d’après son propos : « La souffrance et la révolte s'éteindront avec le dernier homme » !


Comme, de surcroît, vous en appelez aussi à la pensée de Tocqueville pour accréditer vos chimères, il se trouve que, dans ce même numéro de l’hebdomadaire Le Point, Marc Fumaroli, de l’Académie française, écrit à son sujet :


« Au fond, ce hobereau "libéral" veut rêver la démocratie américaine en moderne palingenèse du communautarisme féodal, mais il voit en elle le dénudement, enfin sans fard et à grande échelle, de l’essence égoïste de l’humanité déchue. L’une, tant bien que mal, devant freiner l’autre. Voilà de quoi glacer le sang dans les veines ! » [Fin de citation]


Vous ne pourrez pas nier, au vu de la synthèse évoquée, que je n’ai eu de cesse dans mon courrier d’établir la réalité éternelle de la nature égoïste de l’être humain, qui suffit à rendre caduques, à jamais, les fallacieuses promesses de tous les menteurs de la planète, dont vous faites partie au même titre que les soi-disant « élites » du monde de l’information, de la politique, de l’intelligentsia et de nombre d’associations « droits-de-l’hommiste » moralisatrices à sens unique, dénoncées dans le texte annexé, Mensonges et lâcheté des élites, maintes fois annexé à mes lettres.


En clair, à en croire Camus, si la révolte doit persister jusqu’à la disparition du dernier humain, c’est bien la preuve que l’ « ordre juste », promis au tout début du XXIème siècle, se faisait toujours attendre. Or, entre-temps, vous continuez à promettre la lune aux Français, voire à la planète entière ! En somme, ils vous ont bien méritée, ces « croyants au miracle », s’ils persistent à vous « croire », faute de penser « vraiment », c’est-à-dire de réfléchir tout simplement.


C’est bien fait pour eux, mais vous auriez bien tort de vous gêner, puisqu’ils en redemandent, et que vous n’êtes pas seule à leur promettre la lune ! ! ! Je peux seulement espérer que nos lointains descendants – quelques uns du moins, car la croyance au miracle s’éteindra aussi avec le dernier homme ! - se gausseront de la « débilité intellectuelle » d’une époque, qui se croyait au comble du modernisme avec son monde parfait imaginaire, fruit du penser superstitieux d’humains imparfaits ; et si encore il n’y avait que ça...


Je ne reviens pas en détail pour autant sur la superstition scientiste d’aujourd’hui, promettant d’établir sur la planète, à terme, un climat « sur mesure » pour l’éternité, de même que je ne reprends pas mon argumentation dénonçant la superstition moraliste, dont je pense avoir démontré qu’elle se fonde seulement sur trois fictions. A propos du moralisme ambiant [Morale et condamnations moralisatrices des Autres, au nom de LA Morale], je me borne à rappeler que, dans des temps très reculés, le Christ avait déjà « deux mille ans » d’avance sur votre pensée avec votre fable des bons et des méchants, et vos condamnations moralisatrices toujours virulentes et intéressées – c’est tellement pratique pour éviter de regarder vos propres turpitudes, dont je tiens un exemple indiscutable à la disposition de quiconque !


Oubliez donc de galvauder son « Aimez-vous les uns, les autres », dont vous vous faites indûment la porte-parole : vous n’en êtes pas digne ! Si je ne le suis pas davantage, ce que je n’ai aucun mal à concéder, du moins je ne colporte pas les mensonges et les « croyances au miracle » de la Superstition dans des divers modes d’expression [Religion, métaphysique (Matérialisme et spiritualisme), idéologie et moralisme] ; pas plus que je ne fais croire hypocritement que j’aimerais tout le monde.


Je n’ai aucun intérêt égoïste à me faire passer pour un « vertueux irréprochable », et c’est pourquoi je n’ai pas honte de dire que je n’aime pas tout le monde, à commencer par tous ces menteurs qui font culpabiliser les Autres, y compris au nom d’un passé remontant à plusieurs décennies, voire à plusieurs siècles, sans être pour autant, eux-mêmes, irréprochables, comme l’actualité quotidienne en apporte de multiples preuves – fut-ce en matière de discrimination !


Comme tous les « vertueux autoproclamés » de toutes les époques, vous vous appropriez LA Morale, au nom de l’Idéal, pour le seul bénéfice de vos intérêts de toutes sortes, individuels et collectifs, dans vos rêves de transposer l’Idéal dans le quotidien. Ainsi déclarez-vous dans l’entretien : « Il faut un idéal », en continuant apparemment d’ignorer, malgré les mises en garde, que votre
idéal socialiste ne sera jamais l’ « Idéal en soi », à jamais inconnaissable, mais seulement votre conception « subjective » idéalisée du socialisme - d’autant plus, si j’en juge d’après la diversité des « idéaux » socialistes des multiples prétendants au poste de Premier secrétaire !
 

Merci de bien vouloir préciser en quoi votre idéal est préférable aux leurs, sachant que l’Idéal n’est définitivement pas de ce monde, comme la Parole de celui dont vous vous revendiquez indûment aurait dû vous l’enseigner. Déclarer : « Mon royaume n’est pas de ce monde » ne signifie rien d’autre – alors, assez de mensonges  ! ! !


Sur la distinction radicale entre l’« Idéal en soi » et les concepts humains idéalisés, il vous reste toujours la possibilité de contester mon explication naturelle du mécanisme psychique, déjà exposé dans le courrier antérieur. Il en ressort que, en vertu de notre organisation psychique innée, à laquelle personne
n’échappe par conséquent, nous ne pouvons pas penser le moindre concept (homme, femme, animal, objet, liberté, égalité, justice, etc., etc.), sans penser à la fois l’idéal du concept pensé. De-là, à transformer en réalité nos concepts purement subjectifs de l’Idéal, il y a un abîme infranchissable, même si nos pseudo-philosophes médiatisés d’aujourd’hui se gardent bien d’éventer ce qui favorise leurs condamnations moralisatrices en matière de discrimination, avec ses bons et ses méchants


A l’épreuve des faits, chacun peut constater que les révolutionnaires de 1789 ou de 1917, et pas davantage ceux de toutes les révolutions suivantes - les Mao, Castro, et autres « guides suprêmes » de la planète -, qui luttaient pourtant au nom de l’Idéal, n’ont pas réussi à instaurer un monde idéal, faute de l’être eux-mêmes, et qu’ils ont davantage servi leurs intérêts que ceux de leur peuple. C’est pourquoi votre idéal, en l’occurrence votre « ordre juste idéal » est un mensonge et une « croyance au miracle » de la même veine, comme plus le temps qui passe suffit, et suffira, à me donner raison jusqu'à la fin des temps ! ! !


Tout votre entretien confirme, ici et là, que, loin de briser les conformismes, le credo socialiste des modérés ou des extrêmes se fonde uniquement sur de vieilles lunes, à savoir la « croyance au miracle » de pouvoir transposer l’Idéal dans le quotidien, en enjambant allègrement l’abîme, qui sépare à jamais
l’Absolu ou Idéal, la théorie, du relatif, la pratique, la réalité quotidienne de la planète - cette difficulté insurmontable suffit à expliquer votre silence comme celui de tous les marchands de rêve, dès qu’ils sont poussés dans leur ultime retranchement.


Que les humains soient naturellement portés à « croire » - au père Noël dans leur enfance ! – ne justifie pas qu’ils soient bercés d’illusions, toute leur vie durant, car le seul résultat concret, qu’ils en retirent, c’est de demeurer « naïfs, cocus et frustrés » jusqu’à leur dernier jour - pour le plus grand profit de tous les vendeurs de rêve, assurément ! Comme sœur Anne, ils auront beau attendre, qui, un ordre juste, qui, un monde nouveau, ils ne les verront jamais venir – sauf à vous ou à quiconque de démontrer le contraire, ou d’établir « comment » ! ! !
 

Je m’en voudrais d’une telle malhonnêteté intellectuelle. Elle me permet, néanmoins, de vous accuser de mentir et de tromper l’opinion - aussi longtemps, du moins, que vous n’aurez pas renoncé, les uns et les autres, à vos pratiques politiciennes mensongères, consistant à reprocher aux Autres ce que vous avez fait hier et que vous recommencerez demain, à la première occasion où vos intérêts de toutes sortes l’exigeront.


Ainsi, déclarer sur TF1: « Encore une promesse non tenue », c’est oublier que votre promesse d’ « ordre juste » est un mensonge éhonté, puisqu’il a valeur d’éternité – sauf à vous ou à quiconque de démontrer le contraire, à commencer par l’un de vos soi-disant conseillers intellectuels, parmi lesquels le « nobélisable », excusez du peu, Philippe Aghion ! Merci également de bien vouloir justifier comment la décision d’envoyer un contingent supplémentaire en Afghanistan, prise aujourd’hui dans les mêmes conditions que Lionel Jospin en 2001, c’est-à-dire sans l’aval du Parlement, peut donner lieu à une motion de censure – sauf à établir que vous en aviez déposé une, à l’époque ! ! ! Sinon, vous confirmeriez, une fois de plus, que les « vertueux » se caractérisent surtout par la pratique du « deux poids, deux mesures », ce que chacun sait fort bien, mais que les vertueux taisent hypocritement


Je m’en tiens là dans l’attente de vos éventuelles objections rationnellement, voire philosophiquement, argumentées, et en vous remerciant de votre attention, je vous prie d’agréer, Madame, mes salutations distinguées.

 

Annexe : Mensonges et lâcheté des élites


[Les éventuels défauts de présentation, qui subsisteraient, sont totalement indépendants de ma volonté]

Publié dans COURRIER "Politiques"

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