Kadhafi : à Madrid "SI", à Paris "Non" ! [FIN]

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Le 13 décembre 2007
 

Objet :
« Kadhafi : à Madrid "SI", à Paris "Non" ! »
 
 
Monsieur Pierre Moscovi
Assemblée nationale 
126 rue de l'Université,
75355 Paris 07 SP 
Courrielpmoscovici@assemblee-nationale.fr 


[A l’attention de : François Hollande, Arnaud Montebourg, Bertrand Delanoë, Claude Allègre, Dominique Strauss-Kahn, Élisabeth Guigou, Henri Emmanuelli, Jack Lang, Jean Glavany, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Chevènement, Julien Dray, Laurent Fabius, Lionel Jospin, Malek Boutih, Manuel Valls, Martine Aubry, Michel Sapin, Olivier Duhamel, Robert Badinter, Ségolène Royal et Vincent Peillon]
 Monsieur,
 

De même, au nom des révolutionnaires d’un passé glorieux, qui seraient certainement très étonnés de voir ce que leurs « rêves » d’hier sont devenus aujourd’hui en France et dans le monde, et notamment la liberté et l’égalité, dont on nous rebat les oreilles – dont « on se gave », selon l’expression triviale du député Jérôme Chartier ! -, les bien-pensants « censeurs autoproclamés » de l’époque décident du Bien et du Mal soi-disant « absolus », très pratiques, c’est-à-dire très « juteux », pour faire culpabiliser les Autres et en tirer profit.
 
Puisqu’ils ont le pouvoir, il leur suffit de décréter que le « relatif », à savoir ce qui émane de notre penser humain relatif, toutes ses vérités, y compris scientifiques, et toutes ses valeurs à jamais relatives, sont désormais absolues - or, dans notre monde rien n’est absolu, sauf à vous d’établir le contraire ! Ceci est indiscutablement confirmé par l’expérience humaine dans le temps et dans l’espace, qui établit la « relativité » de bien et de mal.
 
Juger qu’une chose est bonne, c’est-à-dire bien pour les uns, alors qu’elle est jugée mauvaise, c’est-dire mal pour d’autres, relève seulement des aspirations et des intérêts égoïstes des uns et des autres, à titre individuel ou collectif. Le seul point de concordance entre les uns et les autres est d’exprimer un jugement « relatif », quelles que soient les opinions émises. Les seuls exemples contradictoires concernant la peine de mort et l’IVG, ici et là sur la planète, tout comme hier et aujourd’hui, suffisent à attester la « relativité » de toutes nos opinions humaines, fruit de notre penser du « relatif » !
 
Ceci vaut également pour établir la « relativité », aisément démontrable, de toutes les valeurs morales de bien et de mal. Néanmoins, en dépit de leur antinomie, elles sont censées régir la marche morale du monde jusqu’à la fin des temps, en se fondant éventuellement sur des évènements ponctuels, dont l’Histoire montre sans cesse le renouveau. Ainsi la Shoah a-t-elle très certainement influencé la décision du concert des nations d’élaborer, en 1948, le catéchisme soi-disant universel contemporain, qu’Alain Finkielkraut lui-même a baptisé « religion des droits de l’homme », tout en parlant également du « catéchisme de la Shoah », au cours d’un entretien avec Alain Duhamel sur France 2, en mars 2001.

Avec le recul, en dépit de ce nouveau catéchisme, force est de constater que le génocide nazi n’a en rien empêché les génocides cambodgien et rwandais dans les cinquante années qui ont suivi la décision de 1948. Et contrairement à ce que de brillants intellectuels soutiennent, la fin de l’Histoire, de l’Histoire sanglante et meurtrière des humains, n’est pas pour demain ! Il y a, et il y aura toujours bien loin de la théorie à la pratique, de l’Idéal à la réalité quotidienne, du relatif à l’Absolu, de la vérité relative à LA Vérité absolue: l’abîme est infranchissable !
 
Ceci n’empêche pas pour autant les superstitieux de le franchir fictivement, notamment à propos de la morale, puisqu’ils présentent comme « absolues » ses valeurs seulement relatives. En conséquence, QUI ou QUOI légitime des condamnations moralisatrices absolues sur la base d’une telle relativité des visions du monde et de la France – vous avez dit « posture » ou « faux-semblant » ? ! Certes, mais c’est tellement pratique pour s’arroger le « monopole de la vertu » en vue d’en tirer les bénéfices : vous avez dit « hypocrisie » ? !
 
Le moralisme ou superstition moraliste, outre la fiction de Bien et de Mal absolus, continue à se fonder sur la fable des bons et des mauvais, des gentils et des méchants, des « vertueux » et des « salauds », des racistes et des antiracistes aujourd’hui : une fable pourtant dénoncée sans ambiguïté, voici bientôt deux mille ans, par l’un des grands diseurs de LA Vérité absolue, même si sa Parole a été pervertie par la foule superstitieuse au point d’en faire le fondateur d’une religion qui a usurpé son nom ! En dépit de sa Parole de Vérité – sauf à quiconque de démontrer le contraire ! -, le monde continue donc à fonctionner sur un mode binaire avec « deux mille ans » de retard : les bons, les gentils, les « vertueux », les antiracistes, nous, d’un côté, et de l’autre, les mauvais, les méchants, les « salauds », les racistes, eux - vous avez dit « hypocrisie » ? ! 
 
OUI, je persiste et je signe. En effet, décréter « arbitrairement » qui sont les bons, et qui sont les mauvais, ne suffit pas à changer la nature égoïste de quiconque. Chacun d’entre nous, sans aucune exception - hypocrites et inconscients inclus ! – est et demeure égoïste, toute sa vie durant. Même si une certaine modification intérieure est possible, notre égoïsme ne disparaît jamais totalement, y compris chez les plus sages, puisque notre égoïsme, c’est notre vie !
 
Dans son acception adéquate, c’est-à-dire débarrassée de toute connotation moralisatrice, ceci signifie que chacun est conduit par son égoïsme inné à vouloir vivre le plus longtemps et le mieux possible, en se gratifiant autant que faire se peut dans ses affaires d’amour, quel qu’en soit l’objet, de possession de biens et de personne, d’où l’importance de l’argent, et de gloire ou honneur-vanité, d’ego tout simplement.
 
En raison de cet égoïsme inéluctable - sinon par quel miracle de la Nature en leur faveur, de prétendu élus y échapperaient ? -, chacun se conduit, tantôt en « vertueux », tantôt en « salaud », donc bien ou mal moralement parlant, au gré des circonstances susceptibles de favoriser ou de contrarier son égoïsme, ses aspirations et ses intérêts égoïstes - si vous pensez y échapper, il faudra quand même le démontrer ! Certes, vous pouvez aussi prétendre agir uniquement par « altruisme », mais nous reparlerons alors d’hypocrisie
 
Cette fable des bons et des mauvais me ramène directement à l’actualité la plus brûlante, à savoir l’accueil en France du leader libyen et les jugements moralisateurs partisans des uns et des autres. Ainsi à vous croire, recevoir chez nousMouammar Kadhafi serait moralement condamnable, voire quasiment la pire abomination à en juger d’après votre air indigné sur LCI.
 
Toutefois, outre la déclaration de Roland Dumas condamnant la réaction du parti socialiste en termes vigoureux, relativisant ainsi votre jugement, il me semble, sauf erreur de ma part, que le François Mitterrand de 1981, devenu l’ami des révolutionnaires de la planète, ne se soit pas senti flatté de serrer la main d’un authentique faiseur de révolution, puisqu’il s’est même déplacé secrètement en Crète dans ce but : un « deux poids, deux mesures » entre hier et aujourd’hui ? Ce qui est interdit à l’un par la morale des bien-pensants du jour, n’a posé, hier, aucun problème à l’autre.
 
François Mitterrand ne pouvait quand même pas ignorer le vrai visage du leader libyen, à savoir sa face noire, mais vous avez néanmoins réussi à trouver une différence entre les comportements d’hier et d’aujourd’hui, entre la bonne, voire la juste attitude d’un ami socialiste, et la mauvaise, celle d’un adversaire politique : sans préciser toutefois ce qui justifiait à vos yeux cette différence de traitement. Certes, la politique juste des socialistes, contrairement à la « realpolitik » de Nicolas Sarkozy, aurait peut-être aussi consisté à éviter d’avoir des contacts avec le « diable », fut-ce au prix de laisser les infirmières bulgares, quelques années de plus en détention – un monde « relatif » n’est pas aussi simple qu’il  n'y paraît !
 
Faut-il vous rappeler que Danielle Mitterrand, à travers sa Fondation « France Cuba », feint d’ignorer les crimes du lider maximo, voire les souffrances quotidiennes infligées à son peuple dans la vie courante, ainsi que les privations de liberté, et que le vertueux Ignacio Ramonet, directeur du Monde diplomatique, passe ses vacances à Cuba, en qualité d’invité du dictateur cubain ? Va-t-on devoir créer un palmarès des bons et des mauvais dictateurs, ceux qui sont fréquentables et les autres ?
 
S’il ne fallait recevoir que des chefs d’Etat irréprochables pour commercer avec eux, l’économie mondiale serait gravement en péril - je vous laisse imaginer la Chine sans ses exportations ! Par ailleurs, alors que toutes les bonnes âmes dénoncent les dirigeants chinois pour leur non-respect des droits de l’homme, le vertueux Jacques Chirac a invité le président chinois au château de Bitty, et même Ségolène Royal a tenté de se faire adouber par lui avant l’élection présidentielle ; je gage que s’il avait eu le pouvoir de la faire élire, son égoïsme aurait cédé devant sa morale scrupuleuse, à sens unique !
 
Certes, je ne peux pas en apporter la moindre preuve, mais je constate que personne ni aucun pays n’a, à ce jour, annoncé son intention de boycotter les Jeux olympiques de Pékin, ce qui avait été le cas pour d’autres Olympiades ! Plus près de chez nous, tout près même, alors que les socialistes français montent à la tribune pour dénoncer l’ignominie de recevoir un terroriste, le leader socialiste espagnol, José Luis Zapatero, ne semble pas avoir les mêmes états d’âme que ses homologues français.
 
En effet, Mouammar Kadhafi sera à Madrid lundi prochain, après avoir serré la main des dirigeants européens réunis à Lisbonne. De là à conclure, hâtivement, que le chef du gouvernement espagnol aurait agi différemment, si les avions abattus avaient été espagnols, ou bien qu’il considère les victimes françaises comme ayant moins de valeur que ses compatriotes, il n’en demeure pas moins que le tumulte ne semble pas avoir gagné la péninsule ibérique, jusqu’à plus ample informé.
 
Pour conclure, les vertueux socialistes français ont montré, en la circonstance, que leur tolérance avait des limites : celles de leur intolérance, qui refuserait à tout être humain la possibilité de s’amender, ce qui semble en totale contradiction avec leur vision fraternelle du genre humain. L’exploitation politicienne de l’événement ne saurait servir d’excuse à leur  pratique du « deux poids, deux mesures », sauf à revenir au palmarès évoqué, décidant qui sont les bons et les mauvais dictateurs…
 
J’aurais encore beaucoup à dire sur le discours moralisateur de la gauche, en matière de discrimination, qui lui sert à conforter son fonds de commerce électoral, sur la base superstitieuse des bons et des mauvais, en l’occurrence des antiracistes et des racistes. Il va même, en effet, jusqu’à stigmatiser des millions de personnes en raison de leurs opinions, exactement comme les porte-parole de la foule superstitieuse d’hier ont empoisonné Socrate, crucifié le Christ, brûlé Giordano Bruno et excommunié Spinoza pour « délit d’opinion ».
 
Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, je souligne que Mouammar Kadhafi a eu beau jeu, lors de son discours à l’Unesco, de stigmatiser les atteintes aux droits de l’homme, dont la France n’est pas exempte, alors qu’elle se prétend en pointe dans ce domaine, du seul fait de donner des leçons de morale aux autres. Vous semblez ignorer ou oublier que, pour donner des leçons de morale aux Autres, il faudrait commencer par être soi-même « irréprochable », sinon le retour de bâton est inévitable – fut-il le fait d’un dictateur qui n’est pas « irréprochable ».
 
Malgré vos faux-semblants de « vertu », individuels et collectifs, fondés sur vos seules condamnations moralisatrices, vous les socialistes et autres gens de gauche, en dépit de vos leçons de morale, vous n’êtes pas plus « irréprochable » que quiconque. Sauf pour les moralisateurs superstitieux, il est incontestable qu’il n’y a pas, qu’il n’y a jamais eu et qu’il n’y aura jamais d’individus ni de groupes d’individus, TOUS critères d’appartenance confondus, réellement « irréprochables » !
 
Face à l’Idéal, qui n'est définitivement pas de ce monde, chacun est forcément coupable, coupable de crime de lèse-Idéal. Et d’ailleurs, s’il existait réellement des individus « vraiment » irréprochables, ils se garderaient bien de donner des leçons de morale aux Autres, précisément parce qu’eux-mêmes seraient irréprochables ! Alors, arrêtez donc vos leçons de morale aux Autres, gardez-les pour votre propre usage, et cessez de faire culpabiliser vos contemporains, ni plus ni moins irréprochables que vous, vous les socialistes et autres gens de gauche !
 
C’est navrant, mais inéluctable en raison de notre nature spécifique, de constater que la société humaine en est encore là, après des millénaires, même si le délit d’opinion ne conduit plus chez nous qu’au « bûcher médiatique ». Les prétendus vertueux d’aujourd’hui ne se sentent pas moins légitimés que leurs lointains prédécesseurs à condamner sur la base des fictions du moralisme, en particulier sur celle des bons et des mauvais !
 
Pas plus qu’hier toutefois, ils ne veulent entendre parler des mensonges de la superstition moraliste, a fortiori en débattre, à l’exemple de ceux mis en exergue de ce courrier et des soi-disant « élites » du monde de l’information, de la politique, de l’intelligentsia et des associations « droits-de-l’hommiste » moralisatrices à sens unique, dénoncées dans le texte annexé, Mensonges et lâcheté des élites.
 
Nous reparlerons donc de la « discrimination » sous toutes ses formes, quand vous le voudrez bien, et pas seulement de celle érigée arbitrairement en Mal absolu. En effet, outre qu’elle n’est pas cause du plus grand nombre de victimes de l’Histoire du 20ème siècle, puisque l’illusion marxiste a fait pire, ceux qui tirent profit de leur « victimisation » ne sont pas plus irréprochables que tous les autres humains – ne serait-ce que parce qu’ils font preuve également de discrimination, y compris sur le critère ethnique, comme d’infinis exemples suffisent à l’attester, ici et partout ailleurs sur la planète !
 
Compte tenu de tout ce qui précède pour dénoncer les mensonges et les « croyances au miracle » du monde, à mes yeux, les représentants choisis par le peuple ne sont pas élus pour dicter la morale superstitieuse à leurs mandants, sauf à vouloir favoriser les uns au détriment des autres, comme chacun peut le constater aujourd’hui en matière de discrimination, avec ses bons et ses méchants, ses « soi-disant « vertueux » et ses prétendus « salauds » : certes, quand on refuse de débattre sur le fond, on a forcément toujours raison ! ! !
 
Si je peux me permettre de vous donner un conseil, votre parti serait bien avisé, pour retrouver un certain crédit auprès de l‘opinion, de cesser de faire culpabiliser les citoyens-électeurs et de faire le tri moral entre les bons et les mauvais, puisque nombre d’entre eux vous ont abandonné en raison de votre esprit partisan, donc de votre malhonnêteté intellectuelle, amplement établie dans tout mon courrier.
 
Dans l’attente de vos éventuelles objections argumentées, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
 
Annexe : Mensonges et lâcheté des élites

[Les éventuels défauts de présentation sont indépendants de ma volonté]
 
 
 

 

Publié dans COURRIER "Politiques"

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