La science et les choses

Publié le par Sylvain Saint-Martory

                    
Compte tenu de la relativité des choses, il s’agit de montrer ce que sont réellement les choses dans l'entendement pratique, ce qu'elles sont pour nous dans notre existence de « chose relative », ce qu'elles sont et signifient pour le penser scientifique - forcément, notre existence n’est que relative, puisqu’elle a un début et une fin comme la multiplicité infinie des choses de notre monde : seul ce qui est éternel, c’est-à-dire sans commencement ni fin, est à la fois absolu

En réalité, si l'entendement pratique relatif ne trouve pas, de prime abord, les choses totalement équivoques, ce n’est pas aussi simple avec les choses qu’il y paraît d'après son « premier penser », à savoir le penser en concepts des représentations ou images représentatives, lequel présente les choses existant telles qu'elles apparaissent à l'expérience des sens ; toutefois, ce premier penser des choses ne constitue pas la totalité du penser de l'entendement pratique. 

Il appartient avant tout à l’entendement pratique de juger, de déduire et de conclure avec son second penser, à savoir le penser des « abstractions » (causalité, par exemple), ou penser scientifique, lequel permet de dominer l'expérience première des sens ; c’est le cas flagrant à propos de la rotation entre la Terre et le Soleil, puisqu’elle est diamétralement opposée dans le penser conceptuel et le penser scientifique, comme chacun est censé le savoir. En réalité, le penser scientifique ne conduit pas à une doctrine des choses, mais, en lieu et place, à une doctrine du mouvement – le hic étant de découvrir le support du mouvement !

Evidemment, on recherche d’abord une théorie expliquant les choses, puisqu’elles sont ce qui s'offre à l'expérience première comme étant le réel, mais cette réalité doit être ensuite confirmé par le penser scientifique. Or rechercher les choses avec le penser scientifique, c’est rechercher ce qui ne se trouve pas dans la réalité de notre monde des choses. En revanche, à la place des choses, telles que les montre l'expérience première des sens, se trouve quelque chose complètement différent. 

En effet, dans la recherche scientifique d'une doctrine susceptible d’expliquer les choses, celles-ci se dissolvent de plus en plus en mouvement, et ainsi, en cherchant à établir les lois qui régissent les choses et la matière, la science accomplit en réalité la dématérialisation du monde. A la fin des fins, ce sont donc les lois du mouvement qui sont recherchées, et non les lois des choses ; de la sorte, il ne resterait rien des choses, les choses s’évanouiraient, si un « arrêt indépassable » du penser scientifique ne se bornait pas à établir l’hypothèse de choses présumées originelles, de plus en plus élémentaires, de plus en plus petites et de moins en moins composées, considérées comme des choses immuables et impérissables, éternelles, avec lesquelles on tiendrait le support ultime du mouvement, à savoir la matière absolue.

Jusque là, le penser scientifique le cherche encore, et il le cherchera jusqu’à la fin des temps, car la matière absolue n’a pas de réalité - pas plus que les choses matérielles, composées de matière, n’ont de réalité absolue ! Aucun cyclotron et autres machines de plus en plus sophistiquées du futur le plus éloigné ne parviendront jamais à l’élément véritablement simple, réellement insécable, avec lequel s’expliquerait « absolument » notre monde, à la manière d’un vulgaire jeu de constructions ! ! ! 

Il n’en reste pas moins que tout changement des choses composées ainsi que leur infinie diversité s’expliquent par leur mouvement, et que nous avons besoin de ces éléments primitifs, simples et immuables, de ces entités indestructibles qui composent les choses, puisque les choses composites ne sont pas constituées de parties, mais d’entités. Cependant, avec ces hypothétiques choses originelles, ou constructions auxiliaires fictives du penser scientifique, nous ne savons rien sur les véritables choses réelles de l’expérience première, nous ne savons rien de la nature, de la constitution, de la forme, de la grandeur et de la densité de ces choses originelles ou atomes. Pire encore : nous sommes rien moins que réellement certains de l’existence nécessaire prouvable de ces atomes vraiment immuables, dont nous nous contenterions déjà, même si nous ne pouvions rien établir de plus à leur sujet que, précisément, la certitude de leur existence.

Nous en sommes très loin, et malgré tout il nous est impossible de rester tranquilles à propos de l’existence même de l’atome, c’est-à-dire d’une réelle représentation de l’atome. A vrai dire, en dépit du prétexte que je peux me représenter des choses étendues de plus en plus petites, l’atome n’est pas représentable. Plus précisément, l’atome n’est pas représentable, parce que je peux me représenter les choses de plus en plus petites sans jamais réussir à me représenter une chose étendue que je ne peux pas me représenter encore plus petite que je ne me l’étais représentée.

Ainsi nous devons continuer à penser et à penser toujours dans la direction de la pensée du mouvement qui dissout toutes les choses, de sorte que l’atome ne devient jamais représentable et que son concept n’apparaît jamais réalisable dans le penser. Qu’en est-il donc, dès lors, d’une hypothèse sur les choses ? Et est-ce bien une hypothèse sur les choses, celle qui ne peut jamais être un fait avéré, et de surcroît ne paraît même pas pouvoir être pensée ?

Non, les atomes n’ont absolument rien à voir avec les choses, même pas comme hypothèse de leur existence. Puisque toute la doctrine du mouvement repose sur la théorie atomique, les atomes relèvent du penser scientifique abstrait, où ils sont quelque chose de tout à fait spécial que nous n’avons pas encore apprisà connaître. Toutefois, avant d’en venir à ce contenu particulier sur les atomes, qui clarifiera ce qu’ils sont, ils n’ont rien à faire avec notre penser des choses et ils ne peuvent donc pas être des images de choses singulières, et même pas des concepts abstraits. Cependant, ils trouvent toute leur application dans notre penser abstrait en concepts, lequel ne s’occupe pas du Quoi, mais seulement de l’interrelation des choses, c’est-à-dire du mouvement et de la manière dont le penser conceptuel abstrait est applicable aux choses de l’expérience fondamentale.
 
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