Ségolène Royal ou l'art de faire du neuf avec du vieux

Publié le par Sylvain Saint-Martory

       
 
Après des milliers, paraît-il, de « débats participatifs », dont on allait voir ce qu’on allait voir, Ségolène Royal vient de se rendre à l’évidence, de force plus que de gré, que la méthode Coué ne suffisait pas pour changer le monde, voire seulement la France.
 
Ce fantasme, dont j’ai traité dans le post « Méthode Coué et débilité intellectuelle » a pour limite incontournable celle de notre prétendu « libre arbitre », bien obligé de concéder finalement que « vouloir ne suffit pas pour pouvoir ». De ce fait, la raison et le pragmatisme qui l’accompagne en reviennent à la « nécessité » éternelle, au sens spinoziste du terme, en vertu de laquelle il reste seulement aux humains l’obligation inéluctable de « s’adapter » aux circonstances, quelles qu’elles soient.
 
Ainsi Ségolène Royal a-t-elle dû se résigner à ce qui lui paraissait hier « inimaginable », à savoir solliciter le retour des éléphants ! Personne ne manque à l’appel, même pas Lionel Jospin, « retraité autoproclamé » de la politique depuis cinq ans, dont le comportement « à géométrie variable » envers Ségolène Royal, en quelques mois, est manifeste, et se passe de commentaire !
 
Forcément, elle a réalisé sur le plan pratique qu’elle ne pourrait pas gouverner toute seule, et qu’il lui faudrait des ministres. Comme les Français réclament de « nouvelles têtes », elle avait donc imaginé dans son rêve de moderne « pucelle d’Orléans », oublieuse toutefois qu’elle avait aussi gouverné la France depuis plus de vingt ans, sous Mitterrand comme sous Chirac, de recourir seulement à la nouvelle couvée socialiste, c’est-à-dire des poussins à peine éclos sous Mitterrand.
 
Las, l’un a été suspendu, l’autre s’est exclu d’office pour incompatibilité d’humeur, et les perdreaux du jour ne courent pas les rues, à l’exemple de Malek Boutih venu à la direction du PS après subornation de témoins dans une affaire criminelle et malversations financières avérées ! Après ce retournement de veste, pire d’idées, comment croire dès lors aux promesses d’une candidate, dont chacun vante par ailleurs l’humanité, tout en soulignant son incompétence manifeste à présider la France ?
 
Parlons-en précisément de son humanité, hormis son geste théâtral lors de sa dernière prestation télévisée sur TF 1 ! Pitié de femme, comme disait d’elles Spinoza à propos de leur amour des animaux, et pulsion compassionnelle d’aujourd’hui à aimer le monde entier, mais pas son voisin, voire ses parents, et surtout pas ceux qui pensent différemment, comme l’illustrent les exemples suivants !
 
Cette prétendue humanité d’une « tueuse » politique, en effet, c’est celle qui l’a conduite à refuser de serrer la main d’un ministre chilien, ou d’une candidate à la mairie de Paris, alors qu’elle a eu moins de scrupules à faire ami-ami avec des dirigeants chinois, dont l’âge canonique n’exclut pas qu’ils aient participé de près ou de loin à l’extermination de millions, voire dizaines de millions, de leurs compatriotes sous l’ère Mao !
 
Qui la blâmerait toutefois d’être un être humain égoïste, semblable en tout point aux six milliards et quelques individus de la planète, si elle ne se présentait pas « hypocritement » comme faisant exception à notre nature immuable, « inchangeable » ? Pas moi, en tout cas, et pour être tout à fait juste avec elle, j’inclus tous ceux qui donnent une fausse apparence d’eux-mêmes dans le seul souci de leurs intérêts égoïstes de toutes sortes, électoraux notamment.
 
Ils sont innombrables, en effet, parmi les soi-disant « élites », ceux que je dénonce chez tous les « faiseurs d’opinion » du monde de l’information, de la politique, de l’intelligentsia et des associations « droits-de-l’hommiste », dont aucun ne devrait s’abstenir de déclarer « Plus égoïste que moi, tu meurs ! » ; autrement dit : je veux le bonheur de l’humanité, de mes concitoyens, mais d’abord le mien ! ! ! Personne n’y échappe, rares sont ceux qui le disent, hormis ceux qui n’ont rien à vendre ! ! ! Je ne suis pas meilleur que les autres, devrait être le leitmotiv de chacun
 
Dans son article « Ségo, une campagne trop perso », l’hebdomadaire Le Point (cf. n°1797 du 22 février 2007) - soit un jour avant l’annonce officielle ! - explique très bien le changement stratégique de Ségolène Royal motivé par ses seuls intérêts égoïstes, ce contre quoi je n’ai rien à dire, puisque je les comprends mieux que quiconque pour les raisons indiquées.
 
Carl Meeus, auteur de l’article, écrit notamment :
 
« De l’avis de ceux qui l’entourent, la ténacité et la détermination absolue sont les atouts essentiels de la candidate du P S.
 
Mais lundi matin, quand elle a pris connaissance de l’étude que l’institut Ipsos a réalisée pour Le Point, « ça lui a sapé le moral », témoigne l’un de ses proches qui était à ses côtés dans son bureau du 282 boulevard Saint Germain. Le sondage, réalisé en fin de semaine, montrait un décrochage très net de son électorat au profit de Bayrou.
 
En une semaine, elle a, en effet, perdu quatre points. Depuis le début de l’année, elle est passée de 32% d’intentions de vote à 23% ! Dans le même temps François Bayrou grimpe de 12% à 16% d’intentions de vote. Or, de l’aveu même des dirigeants socialistes, le plancher à ne pas crever était fixé à 25 % !
 
[Après « ça », ils viendront vous dire – sans mentir, promis, juré ! - qu’ils n’ont pas l‘œil constamment rivé sur les sondages !]   
 
Carl Meeus poursuit :
 
Comme le souligne un socialiste, la bulle spéculative autour de Ségolène Royal a éclaté. Les électeurs se sont tournés vers François Bayrou, comme on se tourne vers une valeur refuge de la Bourse.
 
Les plus optimistes insistent sur l’impatience des militants et des électeurs. Selon François Rebsamen, codirecteur de campagne : « Sur les marchés, les gens nous demandent de ne pas la laisser seule, de l’aider. » Dans la Nièvre, Gaëtan Gorce, l’un des porte-parole, constate la même tendance : « On se fait engueuler car les gens nous reprochent de ne pas serrer les rangs autour d’elle. »  
 
Certains ont commencé à faire tourner les ordinateurs pour tester le nombre de députés socialistes qui reviendraient dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale en cas de défaite au second tour de Ségolène Royal. Le résultat confidentiel est accablant : personne n’envisage de retrouver un groupe aussi nombreux qu’aujourd’hui. Du coup, certains ont la tentation de jouer à chacun pour soi et de labourer leur circonscription, malgré les appels à la mobilisation de François Hollande. Tant pis pour la candidate.
 
[Vous avez dit « égoïsme » ou intérêt général supposé, bien entendu..? !
 
Même si elle a battu le record d’audience de Nicolas Sarkozy, même s’ils concèdent qu’elle rassemble beaucoup de monde dans ses meetings, les élus socialistes n’ont pu s’empêcher de noter que Ségolène Royal n’a pas levé les doutes sur sa crédibilité présidentielle en restant dans le domaine compassionnel au cours des deux heures et demie de l’émission.
 
Depuis une semaine les responsables de la campagne de Ségolène Royal concèdent qu’elle a un sérieux problème dans ce domaine. « Elle a perdu des points importants sur la stature présidentielle », reconnaît un socialiste, qui commence à douter de sa capacité à rebondir. « Elle est têtue. Elle n’en fait qu’à sa tête. » Tels sont les leitmotivs de ses conseillers, impuissants à la faire changer d’avis.
 
A propos du retrait d’Eric Besson, c’est la réaction de la candidate qui pose problème. Au lieu de se montrer compatissante, voire compréhensive, elle a choisi le mépris et l’humiliation publique, qu’elle a placés sous le sceau de son « ordre juste »
 
 [Une « aberration intellectuelle et philosophique » mensongère, dont j’accuse nommément et publiquement Ségolène Royal, en attendant sereinement ses arguments contraires à ceux de ma lettre du 27 janvier dernier !] 
 
Ségolène Royal n’a toujours pas réglé son problème avec le PS. Ayant construit sa candidature sur ses différences, voire ses divergences avec le Parti socialiste, elle ne se voit pas aujourd’hui se placer sous ses fourches Caudines. [Rappel : cf. date de l’article]
 
Il semble de plus en plus évident qu’au-delà des « consolidations » de l’équipe de campagne, le problème vient essentiellement de la candidate et de la façon « personnelle » qu’elle a de gérer sa campagne.
 
Un élu résumait parfaitement l’ambiance qui régnait au PS en début de semaine : « Si elle en sort là, c’est qu’elle est vraiment très forte. » Au ton de sa voix, il était clair qu’il doutait. » [Fin de citation]
 
[Cet élu pourra désormais dire : « Si elle gagne, ce sera avec l’appui des éléphants. » Quel aveu de faiblesse pour une candidate qui se voulait solitaire, unique en son genre !]
 
Ce résumé de l’article de Carl Meeus me sert fort opportunément de transition pour en venir à l’ « aventurisme » de François Bayrou. Encore un qui voudrait nous faire croire qu’ « avec du vieux, on fait du neuf » !
 
Il nous refait le coup de la troisième voie, à savoir l’alliance de la droite et de la gauche pour gouverner dans l’harmonie ! Je ne parle pas même pas de son centre introuvable, fluctuant au gré des circonstances : un coup ministre d’Edouard Balladur, un autre votant avec la gauche contre un projet de loi de droite. Sur le principe, je ne suis pas contre, mais Edgar Faure nous a déjà fait le coup avec sa « majorité d’idées », sans grand résultat jusqu’ici. Entre nous, vous auriez confiance, vous, en un spécimen de ce genre, faisant partie de votre entourage, dont vous ne savez jamais ce qu’il vous réserve..? !
 
La « troisième voie » a montré ses funestes conséquences pratiques sous la IVe République, au point que De Gaulle, après une dizaine d’années de réflexion solitaire à Colombey, a privilégié la stabilité des institutions dans la Constitution de 1958, fut-ce au prix d’une cohabitation présentant néanmoins plus de positif que de négatif, à en juger par les multiples et incessants changements de gouvernement, qui ont conduit à son retour en 1958.
 
Certes, l’Allemagne semble expérimenter aujourd’hui avec un certain succès la coalition gauche-droite, mais il faut dire qu’elle bénéficie de circonstances différentes en matière économique, et le communautarisme ne semble pas y être au niveau du nôtre, sauf à me montrer avec précision une guerre mémorielle et une influence de l’islam, semblables à ce qu’elles sont ici.
 
Par contre, l’Italie vient de nous montrer où pouvait mener en quelques mois une coalition fondée pourtant essentiellement sur des partis de même tendance idéologique, au point d’entraîner peut-être le retour de Sylvio Berlusconi. Si ce n’est pas de l’aventurisme, « ça » s’appelle comment..? !
 
Ceci dit, je ne fais l’apologie d’aucun candidat, car déclarer que « tout devient possible », sous-entendu par la seule magie de l’action de son « libre arbitre » est, philosophiquement parlant, tout aussi « mensonger »…
 
Comme déjà écrit, y compris à Jacques Chirac – cf. lettre du 7 décembre 2005 - : « A se demander pourquoi l’être humain se complaît tellement à être, et surtout à vouloir demeurer, « naïf, cocu et frustré », jusqu’à son dernier jour..? !  
 
    
 

Publié dans BILLET DU JOUR

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