Méthode Coué et débilité intellectuelle

Publié le par Sylvain Saint-Martory



Au cours de son actuel déplacement aux Antilles, Ségolène Royal n’a pas hésité à déclarer : « Je parle juste, et j’agis juste », comme chacun pourrait en dire autant, en digne descendant d’Emile Coué, docteur en pharmacie (1857-1926).

 
Ce dernier a été rendu célèbre par une méthode d’autosuggestion, d’où le nom de celle-ci. Elle est - paraît-il ! - très efficace pour renforcer la confiance en soi, puisque fondée sur une pensée positive à l’origine de diverses thérapies "orientées solutions", telles que la sophrologie et le « coaching » moderne.

 
Certes, comme toute chose humaine comporte à la fois du positif et du négatif dans notre monde relatif, j’admets qu’il est préférable de « positiver » en toutes circonstances, c’est-à-dire de trouver un peu de « rose » quand tout paraît gris ou noir, puisqu’il y en a forcément. Toutefois, ce n’est pas une raison pour prendre ses désirs pour la réalité, au mépris du pragmatisme le plus élémentaire.


Or, Ségolène détourne à son profit la pensée de ce « marchand de bonheur », comme il est surnommé aux Etats-Unis, en croyant que la méthode Coué suffirait à chacun pour être transformé aussitôt en superman ou superwoman pour réaliser ses rêves, au moyen de sa volonté libre, dite « libre arbitre »  ! En fait, Ségolène est en train de « rêver » sa vie, comme l’illustrent les médias dans leur comparaison avec Jeanne d’Arc entendant des voix. Jeanne ne manquait pas non plus de confiance en soi, mais tout le monde sait où cela l’a menée à terme - chacun doit mourir, certes,  mais pas forcément sur un bûcher !

 

 Je ne reprends pas ici en totalité la partie de ma lettre à Ségolène Royal, dans laquelle je dénonçai, arguments à l’appui, l’ « impossibilité absolue » de parvenir à son soi-disant « ordre juste », mais je cite néanmoins l’infime défi que je lui lançai en matière de justice sociale, à propos des retraites :


« C’est pourquoi l’ordre juste promis n’aura concrètement un semblant de réalité que lorsque vous aurez, par exemple, mis tous les régimes de retraite sur un même plan d’égalité en matière d’annuités, de cotisations, d’âge de départ, et de calcul de pension, en abolissant les privilèges : pas seulement ceux des salariés de la fonction publique et des régimes spéciaux, mais également ceux des parlementaires. » [Fin de citation]


Chacun peut mesurer combien ce défi à relever est insignifiant par rapport à la promesse d’ « ordre juste », au regard de la pauvreté en France et de la misère dans le monde. Qui peut donc croire que Ségolène Royal, adepte de la méthode Coué, relèvera, de manière juste, ce simple défi en matière de retraite de tous les citoyens français, sans exclusive ?

 
La méthode Coué permet, certes, de prendre ses rêves pour la réalité, mais de là à transformer ses rêves en réalité, il y a des limites infranchissables ! ! !

 
Par ailleurs, au cours de ce déplacement, Ségolène Royal a bel et bien confirmé la « débilité intellectuelle » de l’époque, dénoncée dans le courrier adressé. En effet, elle a profité de l’occasion pour « faire un tabac » aux Antilles, en dénonçant la droite pour avoir osé parler des « aspects positifs » de la colonisation. C’est pourquoi je reprends ici une large partie de ce que je lui ai écrit à ce sujet :

 
« Quant à la période coloniale avec ses condamnations moralisatrices d’aujourd’hui, faut-il manquer totalement de réflexion, en effet, pour oser admettre officiellement, au plus haut sommet de l’Etat, qu’une quelconque chose humaine, fut-ce la colonisation, pourrait comporter « exclusivement » du négatif, ou a contrario « uniquement » du positif ! En effet, dans un monde où tout est relatif – sauf à vous de démontrer le contraire ! -, TOUT présente à la fois du « pour », des avantages, du positif, et du « contre », des inconvénients, du négatif !


Ensuite, de manière plus ou moins consciente, et éventuellement différente selon la pression des circonstances, chacun, quelle que soit sa spécificité ethnique, prend toujours position en confrontant les arguments « pour » et « contre » de ses seuls intérêts égoïstes ; et ce, aussi bien dans son souci de vivre le plus longtemps et le mieux possible, en général, que dans sa préoccupation propre concernant ses affaires d’amour, d’argent, instrument de possession, et de gloire ou honneur-vanité, en particulier !


Seule cette confrontation des arguments et des sentiments « pour » et « contre » permet aux uns de déclarer une chose bonne, et aux autres de la juger mauvaise, sans que cela n’autorise quiconque à la déclarer pour autant « absolument » bonne ou mauvaise ; de la sorte, le Bien soi-disant absolu des uns devient le prétendu Mal absolu des autres. Philosophiquement parlant, Bien et Mal absolus sont une « impossibilité absolue », et ils n’ont par conséquent aucune réalité véritable. Il s’agit toujours d’un Bien et d’un Mal seulement « relatifs », mais fictivement absolutisés, c’est-à-dire présentés comme s’ils étaient réellement absolus ! En réalité, il n’y a pas de choses bonnes ou mauvaises « en soi », c’est-à-dire indépendamment de tout jugement de valeur, comme l’exprime ce mot de Spinoza :

 
« Nous ne désirons pas une chose, parce qu’elle est bonne, mais c’est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne. » [Fin de citation]

 
Sur le plan pratique des aspects positifs de la colonisation, s’il fallait en retenir un seul, parmi bien d’autres relatifs au passé, c’est que nombre de fonctionnaires français d’aujourd’hui proviennent précisément de ces anciennes colonies. Je vous laisse imaginer leur sort, en effet, si tous ces ex-colonisés avaient dû rester dans leur pays d’origine, faute de pouvoir aller vivre chez leurs ex-colons. Certes, ils n'ont rien oublié, comme l'atteste leur rancune multiséculaire, dont s'accomodent pourtant si bien nos « politiques » masos

 

L’exemple peut être contesté, et c’est d’ailleurs pourquoi Spinoza et Brunner se livrent si peu à ce genre d’exercice, mais il n’en demeure pas moi que, dans notre monde humain « relatif », TOUT comporte « nécessairement » à la fois du positif et du négatif !

 
Et c’est pourquoi j’affirme que Ségolène Royal « a tout faux », aussi bien en promettant d‘instaurer un ordre « absolument » juste, dans un monde relatif, qu’en défendant l'idée qu’une quelconque chose humaine pourrait contenir « exclusivement » du négatif !

 

N B : Pour éviter toute réponse hors sujet, je renvoie à la partie de ma lettre où j’ai examiné successivement les deux hypothèses d’ordre « relativement » juste et « absolument » juste.




Publié dans BILLET DU JOUR

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