Allah et Spinoza : vraiment "cousins"..?!

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Le 7 mars 2006

En réponse à mon courriel du 5 mars, Abdelwahab Meddeb a écrit :

----- Original Message -----
From: "abdelwahab meddeb" <abmeddeb@yahoo.fr>
Sent: Tuesday, March 07, 2006 10:34 AM
Subject: RE: Allah, "dans le voisinage" de Spinoza...

Monsieur,

Je ne peux accepter ni votre violence, surtout lorsqu'elle est soutenue par l'ignorance; je sais de quoi je parle et vous, vous ne le savez pas. D'abord, sachez que le texte que vous avez lu n'est qu'un
extrait dont la publication est due à l'initiative de l'éditeur (la BNF), pour la promotion de l'exposition consacrée aux Lumières. Le texte complet se trouve dans le catalogue et je me permet de vous l'envoyer en fichier attaché.

Sachez aussi qu'Allah n'est nul autre que "cet Etre éternel et infini que nous appelons Dieu ou la Nature", assertion qui peut trouver écho chez Ibn 'Arabi (1165-1240), le Shaykh al-Akbar ("Le plus grand maître", d'où l'Akbarisme que vous n'avez pas réussi à identifier par consultation d'encyclopédies.

Dans la théorie élaborée par cet Andalou médiéval et que ses descendants ont appelé "l'Unicité de l'Etre" ("Wihdat al-Wujûd"), nous trouvons en effet ce qui peut être asimillé au "sive deus natura" de "L'Ethique".

Quant à la tolérance, elle est, que vous le vouliez ou non, coranique (dans une ambivalence textuelle qui est à l'origine de l'herméneutique islamique et des controverses théologiques qui furent nombreuses pendant les cinq premiers siècles de l'islam); et c'est cette ambivalence qui a autorisé le même Ibn ‘Arabi de théoriser l'équivalence des croyances.

Le drame de l'Islam aujourd'hui c'est qu'il subit le double affront de la méconnaissance des étrangers (dont vous êtes un échantillon) et l'amnésie des siens qui le réduisent à une imbécillité détestable.

Cordialement,

Abdelwahab Meddeb

P S : J'ai élagué la réponse de toute la « théosophie » musulmane, mais je tiens le texte intégral à la disposition des « puristes ».


Ma réponse est la suivante :
      

Monsieur,
 
Merci de votre réponse, dont je n'attendais pas moins : c’est celle d’un « théosophe », pas d’un « vrai » philosophe ! Je n’ai pas l’ombre d’un doute que vous en savez infiniment plus que moi sur l’islam, et beaucoup plus encore à son sujet que sur la philosophie spinoziste ! Toutefois, Spinoza avait aussi son opinion sur la superstition musulmane, et vous préférez éviter de commenter la citation de la lettre LXXVI de sa Correspondance, à ce propos ; apparemment, il ne partageait pas votre point de vue : islam = (ou presque..!) philosophie de Spinoza !

 

Pourtant, à vous lire, il aurait même dû remercier ce penseur musulman de lui avoir soufflé le « sive deus natura » de l'Éthique.

Finalement, Spinoza n’est qu’un plagiaire, mais il est vrai que comme Brunner a eu l’honnêteté intellectuelle de l’écrire : « Platon a volé, le Christ a volé, Spinoza a volé, et j’ai volé… »

Toutefois, concernant le fond du désaccord entre nous, si ce que Spinoza nomme « Dieu » ou substance avait un quelconque rapport avec le Dieu superstitieux « des » religions monothéistes et de l'idéalisme kantien quant au « créationnisme », entre autres divergences, on de demande bien pourquoi les rabbins l'auraient excommunié ! Mais il est vrai qu’Henri Atlan, autre « pseudo-philosophe », avait eu aussi en son temps l’outrecuidance d’affirmer sur LCI, dans l’émission, Le monde des idées, que Spinoza n’avait pas été excommunié pour ses idées : depuis que je lui ai fait parvenir la copie du « herem » - jugement rabbinique – en date du 27 juillet 1656, condamnant Spinoza à être chassé de la communauté judaïque, je n’ai plus de nouvelles d’Henri Atlan ! 

« Quid », par ailleurs, des pratiques « obscurantistes » réclamées, exigées, au nom d’Allah, ce Dieu créateur et Juge suprême de l'islam, que ne demande pas le « Dieu » spinoziste, s'il y a à une telle identité de nature entre les deux « dieux » ? Je parle là du dogme, pas des pratiques dénoncées comme totalement « incompatibles avec les droits de l’homme : charia, fatwa, djihad, lapidation de femmes, etc., dont vous ne soufflez mot !
 
Avec ces pratiques toujours actuelles, venir nous parler de la soi-disant « tolérance » de la religion islamique, c'est encore essayer de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : demandez aux sunnites et aux chiites d'aujourd'hui, et d'hier, ce qu'ils en pensent ? Faire front commun contre l'ennemi occidental n'interdit pas les divisions, comme la gauche française l'illustre dans un autre domaine ; par chance pour elle, il y a la droite pour la réunir occasionnellement ! Certes, il y a trois siècles, protestants et catholiques s'étripaient aussi en France : ceci pour vous permettre de mesurer le retard de l'islam ! 
 
Loin de s'unir, votre Foi et la lumière naturelle ou Raison, dont se réclame Spinoza, sont « inconciliables », et je vous laisse donc propager vos "mensonges" parlant d'un déisme musulman « dans le voisinage » de la philosophie de Spinoza : pourquoi seulement dans le voisinage, s'il n'y a « aucune » différence entre eux..?!
 
Par chance pour vous, l'Université française est aussi superstitieuse que vous, avec son kantisme prépondérant qui n'est qu'un « acte de foi » envers le Dieu religieux et son prétendu « libre arbitre »; certes, le « libre arbitre » doit aussi se trouver « dans le voisinage » de la « nécessité » spinoziste ! Parlez-nous clairement de la « nécessité » d’Allah !
 
Je vous laisse le soin de continuer à tromper et à manipuler l'opinion, tandis que j'essaie de lui faire entendre la voix des mystiques authentiques, dont le Bouddha et le Christ – dans leur Parole « non pervertie par la superstition religieuse » ! -, et des « vrais » philosophes du UN - Socrate, Platon, Bruno, Spinoza et Brunner, notamment.
 
Avez-vous déjà entendu parler du « dualisme », par quoi se caractérise la superstition religieuse et métaphysique avec ses « DEUX » absolus, ce qui est une impossibilité absolue, « philosophiquement parlant..? Merci de répondre avec précision à ces diverses objections philosophiques, et de me faire part de votre analyse critique du texte envoyé, clairement et nettement sollicitée, mais escamotée.
 
Je maintiens jusqu’à votre démonstration contraire - sans me citer des penseurs de l'islam ! –, fondée rationnellement, que Philosophie [« vraie" philosophie : celle d'UN absolu, pas « deux » !] et Religion, islam inclus, sont « incompatibles », et n'ont en commun que l'homonymie du mot Dieu, que la réalité sépare totalement.
 
« Quid » de la réforme de l'islam ? En même temps que l’avènement du monde « parfait » des altermondialistes, je suppose : à la sait Glinglin ? Par ailleurs, réforme portant sur le dogme ? Ou bien faudra-t-il continuer à croire, en bon musulman, à la création « ex-nihilo  de notre monde, au paradis, que les martyrs d’aujourd’hui ont rendu « indéniable », au jugement dernier, et persister dans les prières et les pèlerinages pour Allah, voire autres sornettes ? Le "Dieu" de Spinoza n'a pas besoin de réforme : il ne parle ni de création, ni de paradis, ni de jugement dernier, et j’attends encore de visiter la première chapelle élevée en l’honneur de son « Dieu » !

Vous prenez vraiment les gens pour des imbéciles, en osant situer Allah « dans le voisinage » de la philosophie de Spinoza...! Ou alors, nous avons une conception très, très différente du mot « voisinage » !

Je vous remercie néanmoins de votre attention, et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.. 
  
  
  
 

 

 

Publié dans COURRIER "Médias"

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S
I thank you very much for commenting my publications about Allah and Spinoza
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R
I would like to thank you for the efforts you have made in writing this article.
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C
Very good stuff with good ideas and concepts, lots of great information and inspiration, both of which we all need.
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