« Liberté d’expression idéale : un "impossible rêve" »!

Publié le par Sylvain Saint-Martory

Le 12 mars 2008

« Liberté d’expression idéale : un "impossible rêve" » !
 
 
Monsieur Robert Ménard
Reporters sans frontières
Courriel : rsf@rsf.org
 
 
Monsieur,
 
 
Votre « Journée de mobilisation pour la liberté d’expression sur Internet » dans certains Etats totalitaires, dont la Chine, et au delà, celle de la liberté d’expression en général, me conduit à vous rappeler mon courriel du 2 mars 2004, qui, certes, vous apportait alors mon soutien, mais qui dénonçait également les mensonges de la Superstition dans ses divers modes d’expression.
 
Votre timide réponse de pure forme, postée le 3 mars 2004 à 08:52, sans un mot sur le fond, et votre action d’aujourd’hui m’incitent toutefois à réengager le combat contre le penser superstitieux, qui consiste à « absolutiser le relatif », c’est-à-dire à confondre l’Absolu ou Idéal, la théorie, avec le relatif, la réalité quotidienne, la pratique, conduisant à l’absurde prétention des humains de croire pouvoir transposer l’Idéal dans le quotidien.
 
En matière d’illusion, notre époque a néanmoins le pompon, puisque, outre sa croyance idéologique dans le miracle de pouvoir changer le monde, c’est-à-dire de parvenir à l’avènement d’un monde parfait avec des humains imparfaits – cherchez l’erreur ! -, elle émet aujourd’hui la prétention aberrante de régler à sa convenance le climat de la planète pour l’éternité – décidément, rien n’est réellement impossible pour les « rêveurs » ! ! ! Nos lointains descendants auront d’excellentes raisons de se gausser de nous, puisqu’ils pourront juger sur pièces, dans des siècles, nos actuelles croyances relevant du miracle…  
 
D’ici-là, le penser superstitieux continue à colporter, au fil des siècles et des civilisations, les mensonges et les « croyances au miracle » du monde, tels qu’ils s’expriment dans la religion, toutes religions confondues (monothéistes ou non), dans la métaphysique [Scientisme matérialiste et scolastique idéaliste], dans l’idéologie, toutes les idéologies sans exception (illusion altermondialiste incluse), et dans le moralisme [Morale et condamnations moralisatrices des Autres au nom de LA Morale], tous catéchismes réunis, y compris le catéchisme soi-disant universel contemporain, ou Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dont seule l’inobservation est réellement universelle – sauf à vous ou à quiconque d’établir le contraire, à l’aune du devenir du monde depuis près de six décennies ! A ce jeu-là je ne risque pas d’être perdant et d’être démenti, de sitôt, par les faits ou par qui que ce soit
 
Toutefois, je laisse ici de côté religion, métaphysique et idéologie, dont la pratique consistant à absolutiser le relatif est manifeste et aisée à démontrer, pour établir que la superstition moraliste tombe dans ce même travers avec ses jugements moralisateurs, rendus « au seul nom de l’Idéal », conduisant à condamner les Autres sans jamais balayer devant sa porte, ainsi qu’il en va en matière de liberté d’expression.
 
Certes, je n’irai pas jusqu’à comparer des pays totalitaires au parti unique avec nos démocraties occidentales, mais il n’empêche que la liberté d’expression est également bafouée ici-même, en France précisément, dès que l’un ou l’autre ose sortir du cadre de la pensée unique « politiquement correcte » étroitement sous le contrôle de « censeurs autoproclamés », à la fois juges et parties. Ainsi peuvent-ils déterminer, d'abord, la ligne jaune à ne pas franchir, et obtenir ensuite des condamnations en justice au nom de LA Morale bienpensante, sans avoir besoin de fournir de noms pour l'illustrer - le délit d’opinion se suffit à lui-même.
 
Assurément le premier venu, soit une très large fraction de l’opinion conditionnée par le « politiquement correct » du jour, n’y voit pas malice et ne trouve par conséquent rien à redire, puisqu'allant même jusqu’à conforter les censeurs dans leurs anathèmes. Sauf que ces condamnations moralisatrices se fondent seulement sur des fictions, qui « absolutisent le relatif », et restreignent précisément le droit le plus élémentaire de chacun d’exprimer son opinion sur quelque sujet que ce soit !
 
La première fiction du moralisme, tel que défini ci-dessus, celle dont tout découle, consiste à absolutiser les valeurs seulement relatives de Bien et de Mal, alors que chacun est suffisamment informé pour constater que ce qui est déclaré bien ici, interruption volontaire de grossesse et abolition de la peine de mort par exemple, peut être jugé mal ailleurs. Forcément dans un monde, où tout est relatif - sauf à vous ou à quiconque d’établir le contraire ! -, tout présente du « contre », du négatif, des inconvénients, et du « pour », du positif, des avantages, entre lesquels tranchent seulement les intérêts égoïstes, individuels et collectifs, des uns et des autres. Bien et Mal, ce n’est pas autre chose, comme le dit sobrement Spinoza : « Nous ne désirons pas une chose parce qu’elle est bonne, c’est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne. »  
 
A ce propos comme dans tant d'autres circonstances, notre époque aura également témoigné pour l’avenir de sa « débilité intellectuelle », en faisant croire jusqu’au plus haut sommet de l’Etat et de ses institutions qu’une quelconque chose humaine, fut-elle la période coloniale, pourrait comporter exclusivement du « contre », du négatif, des inconvénients – c’est tout au moins ce que les opposants à l’amendement du député Christian Kert ont clairement exprimé à leur manière !
 
Certes, des génies de l’humanité, Socrate, le Christ, Giordano Bruno, Galilée et Spinoza, entre autres, ont eu aussi à souffrir du péché capital de notre entendement, qui prend pour absolu ce qui est seulement relatif, et en particulier les valeurs morales de bien et mal. Notre époque, qui se croit au comble du modernisme, pourrait parler d’époques obscurantistes pour excuser ainsi leurs condamnations à mort et autres excommunications, mais elle leur est en tout point semblable en la matière avec de tels jugements moralisateurs fondés sur des fictions - exactement les mêmes qu’il y a des millénaires ! Je m’en tiens là néanmoins sur la première fiction, dans l’éventualité de vos objections argumentées autrement que sur la Foi !
 
La seconde fiction du moralisme consiste à diviser artificiellement les humains en deux groupes, aux frontières supposées étanches : les bons, les « vertueux », les soi-disant antiracistes aujourd’hui, nous, d’un côté, et les méchants, les « salauds », les exclusivement racistes, eux, de l’autre. Il va pourtant y avoir bientôt deux mille ans que cette fable a été dénoncée publiquement par l’un des grands diseurs de LA Vérité éternelle absolue, dont la foule a perverti la Parole pour en faire le fondateur d’une religion qu’il n’a pas voulu créer – mais c’est un autre débat ! 

Il n’empêche que la foule superstitieuse a mis à mort quelqu’un, dont le seul tort était d’annoncer au monde l’Absolu, LA Vérité absolue – la foule ne condamne pas, parce qu’elle est vertueuse, mais parce qu’elle est ignorante, et c’est bien là sa principale excuse : « Pardonnez leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » ne date pas d’aujourd’hui !
 
Nos « censeurs autoproclamés » contemporains en sont encore là, c’est-à-dire à prononcer des jugements « absolus » fondés sur des fictions relatives -, et pire encore, « fictivement absolutisées » -, mais il ne vous est pas interdit de démontrer le contraire ! Par contre, le texte annexé désigne nommément tous les censeurs d’aujourd’hui, toutes ces « élites » bienpensantes, qui n’ont ni l’honnêteté ni le courage intellectuels de débattre sur le fond, arc-boutées qu’elles sont, outre leurs croyances au miracle, sur leur pouvoir financier, médiatique, politique et pseudo-intellectuel.
 
C’est notamment le cas en matière de discrimination, par quoi j’entends ici toutes les formes de discrimination, et pas seulement celle qui est prépondérante aujourd’hui, tout en manifestant son incohérence, puisque de prétendus « vertueux » reprochent aux Autres, ici, ce que leurs semblables, ethniquement et religieusement parlant, font ailleurs, et en pire, en d’autres lieux et sur d’autres continents : mais « chut », il ne faut pas le dire – vous avez dit « liberté d’expression » ou hypocrisie ? !
 
Vous avez bien compris, les vertueux « censeurs autoproclamés » reprochent toujours aux Autres ce qu’eux-mêmes ont fait hier et qu’ils referont demain à la première occasion où leurs intérêts de toutes sortes l’exigeront, comme les tripatouillages électoraux d’entre deux tours suffisent amplement à l’illustrer. Leur devise favorite, aujourd’hui comme hier et demain, demeure : « Je suis vertueux, donc je condamne ! » - à moins que ce ne soit l’inverse ! Au point même que l’on peut avoir du sang sur les mains, ou tout au moins sur la conscience, et n’en briguer pas moins la magistrature suprême ! ! !
 
Qu’attendez-vous donc pour dénoncer publiquement toutes ces pratiques de Tartuffe que vous ne pouvez ignorer, sauf à laisser perpétuer, en connaissance de cause, l’hypocrisie généralisée et des condamnations moralisatrices partisanes, puisque n’examinant jamais la question au fond ? Il vous suffirait de rappeler en toute occasion, et notamment lors de procès staliniens, ces vérités intemporelles qui rendent nuls et non avenus tous les jugements moralisateurs - sans parler ici des injures personnelles et des calomnies avérées, assurément passibles d’une justice qui dit le Droit, mais pas LA Morale, comme l’a courageusement soutenu cette magistrate dans un procès en sorcellerie d’ « islamophobie » !
 
C’est pourquoi, sauf à vous ou à quiconque de démontrer le contraire, j’affirme avec le Christ et Spinoza, dont l’Ethique ne comprend pas une seule fois le mot « morale » :
 
Face à l’Idéal, « chacun » est forcément coupable, coupable de crime de lèse-Idéal, puisqu’il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais, d’individus ni de groupes d’individus, « TOUS » critères d’appartenance confondus, réellement « irréprochables » - en conséquence, pas de quoi faire culpabiliser les Autres ! De surcroît, et a contrario, s’il existait réellement des individus et des groupes d’individus « vraiment irréprochables », ils se garderaient bien de juger et de condamner moralement les Autres, parce qu’eux-mêmes seraient précisément « IRRÉPROCHABLES » ! Tout le contraire de nos censeurs d’aujourd’hui qui condamnent, parce que « ça rapporte » ! ! !
 
Taire ces vérités intemporelles en toute occasion opportune, sauf à démontrer leur fausseté, c’est agir en « faux-cul », voire en lâche ! C’est pourtant le cas de tous les censeurs autoproclamés, de ces donneurs de leçons de morale aux Autres, dont le souci de leurs intérêts égoïstes de toutes sortes est sans cesse avéré au grand jour dans leurs prises de position moralisatrice partisane – toutefois, je développerai mon couplet sur l’égoïsme humain, auquel personne n’échappe, à commencer par « moi », dès que vous aurez manifesté l’honnêteté intellectuelle d’en débattre !
 
Après ce large tour d’horizon, il faudra aussi vous persuader que l’Idéal n’est définitivement pas de ce monde, et donc cesser de l’appeler à la rescousse à la moindre occasion, car c’est, non seulement une malhonnêteté intellectuelle, mais surtout un témoignage de « déficience intellectuelle », et a fortiori philosophique, de l’époque, d’une époque parmi d’autres – les suivantes nous jugeront, comme nous jugeons nos prédécesseurs ! ! !
 
La liberté d’expression ne sera jamais absolue ou idéale, même en comptant sur des petits pas en avant, aussi nombreux puissent-ils être en apparence, puisque le lointain passé lui-même nous rattrape. Mais il est vrai que nos opinions inspirées surtout par notre égoïsme, comme les revirements d’opinion suffisent à en témoigner, conduisent à courir après l’Idéal sans jamais le rattraper. Ceci amène d’ailleurs à se demander pourquoi l’être humain se complait tellement à être, et surtout à vouloir demeurer, « naïf, cocu et frustré » jusqu’à son dernier jour ? Forcément ! La preuve : je n’ai pas encore croisé une seule des prétendues » élites », dénoncées dans le document annexé, prête à en débattre, car préférant croire ou faire croire au Père Noël jusqu’à la mort.
 
Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, même le catéchisme soi-disant universel contemporain tombe aussi dans l’ « absolutisation du relatif » dans ses rêves d’Idéal, et finit en conséquence dans l’incohérence, en matière de liberté d’expression notamment. Ainsi son article 19, qui ne vise rien moins qu’à introduire l’Absolu dans le relatif, à transposer l’idéal, dans le quotidien, décrète une liberté d’expression absolue ou idéale, sans restriction aucune.
 
Or, son article 29 se voit aussitôt contraint de la « relativiser » en la confiant, théoriquement, à l’arbitraire des Etats, ce qui, en pratique, la livre au pouvoir des groupes de pression, ainsi que, par des arcanes mystérieux, c’est incontestablement le cas en France – la collusion entre la finance, le monde politique, voire associatif, les médias et le pouvoir suprême n’est pas un leurre.
 
Dès lors, ces censeurs, bien connus de tous, sont à la fois juges et parties : ceci permet de décréter ce qu’il est « absolument » bien ou mal de penser, de dire et de faire, ce qui est ensuite très pratique pour juger et condamner moralement, quand on a soi-même fixé les règles du jeu. Compte-tenu de ce que j’ai constamment dénoncé auprès des élites mentionnées, il n’est pas étonnant qu’elles préfèrent éviter de débattre ! Quant à l’incohérence soulignée en matière de liberté d’expression, rien ne semble mieux l’illustrer que ce propos savoureux de Jean-Louis Bianco, ancien directeur de campagne de Ségolène Royal, déclarant « sans rire » sur RMC Info : « On a le droit de tout dire, mais il y a des limites. » ! ! !
 
Pour revenir à la Chine et autres Etats totalitaires, coupables assurément d’atteintes à la liberté d’expression, je suis bien obligé de constater que vos vœux pieux sont aujourd’hui mis amplement en évidence à la face du monde entier, puisque, sauf preuve du contraire à venir, pas un seul Etat de la planète n’a encore jugé bon – pour ses intérêts ! - de boycotter les Jeux olympiques de Pékin – vous avez dit « liberté d’expression », ou intérêts égoïstes de toutes sortes ? Le choix semble être vite fait pour presque tous !
 
D’autre part, hormis la comparaison entre l’Idéal et la réalité, à jamais séparés par un abîme infranchissable, décider du « plus ou moins » ceci ou cela n’a aucun sens, sauf à indiquer qui en serait oficiellement comptable – je vous laisse imaginer les difficultés résultant seulement d’un tel choix ! C’est pourquoi, pour parodier le titre d’un film d’Alain Delon : «  Ne réveillez pas un humain qui rêve ! », il en mourrait, puisqu’il ne peut pas vivre sans rêver ! ! ! 

Par contre, ceux qui sont portés par nature davantage à réfléchir qu’à « croire au miracle » feront leur cette formule : « Circulez, l’Idéal ne viendra pas » ! Cependant, il ne vous est nullement interdit par-là de continuer à rêver, sauf à continuer ainsi à tromper vos contemporains et à les faire vivre dans un monde nauséabond, superstitieux, où les uns sont les « vertueux » et les Autres, les « salauds », aussi longtemps que les condamnations moralisatrices n’auront pas disparu - sans confondre pour autant LA morale et le Droit indispensable, quoiqu’insuffisant  ! ! ! 
 
Dans l’éventualité de vos objections rationnellement, voire philosophiquement,  argumentées, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
 
Annexe : Mensonges et lâcheté des élites
 
 

Publié dans COURRIER "Médias"

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